lundi 14 septembre 2009

En Ouganda, des émeutes sanglantes fragilisent le président Yoweri Museveni

 

NOTE DE L’EDITEUR DU BLOG

"On peut mentir a un peuple pendant une partie de temps; on peut mentir a une partie du peuple pendant tout le temps; on ne peut mentir a tout le peuple tout le temps". Nous avons tous deja entendu ce dicton et probablement en avons deja fait l'experience. En Uganda, Museveni a ete surpris par le reveil des Baganda. Connaissant les "dictatures democratiques" ou "democraties dictatoriales" d'Afrique, le cas de l'Uganda va certainement detourner l'attention des analystes politiques vers l'Afrique de l'Est. Le reveil des Baganda pourrait obliger Museveni a ceder ses ambitions d'un troisieme mandat, et qui sait; on serait au retour de la majorite etnique au pouvoir comme au Burundi. Attention, les Baganda se reveillent!

Lisez cet article de Jean-Philippe Rémy du quotidien francais Le Monde.

Thom Turi-Hano.

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LE MONDE | 14.09.09 | 15h09  •  Mis à jour le 14.09.09 | 18h45

Johannesburg Correspondant régional

Pillages, barrages, tirs en rafales, cadavres dans les rues. Jamais, depuis la fin de la guerre civile en 1986, Kampala, la capitale, n'avait connu une telle flambée de violence. Au cours de trois jours d'émeute, les partisans du Kabaka, le souverain traditionnel de l'ethnie des Baganda, la plus importante du pays, ont affronté les forces de sécurité, ouvrant la porte à tous les débordements. Dimanche 13 septembre, alors que les magasins qui n'avaient pas été pillés rouvraient timidement, la police a annoncé que le bilan s'élevait à 14 morts et 80 blessés, dont 12 policiers.

A Kampala, les braises de l'émeute ne sont pas encore éteintes, mais la reprise en main est brutale. Human Rights Watch avait d'abord dénoncé les tirs à balles réelles contre des manifestants. Depuis, l'organisation de défense des droits de l'homme signale les fouilles brutales de maisons et des arrestations massives - 600 personnes au total.

Tout avait commencé dans la rue le 10 septembre, lorsque les premières barricades avaient été érigées par les partisans du Kabaka, Ronald Muwenda Mutebi II, furieux de voir que leur souverain ne pouvait se rendre à une réunion organisée trois jours plus tard à Kayunga, une ville proche de Kampala, en raison d'un conflit avec une petite ethnie locale.

Cet épisode a mis le feu aux poudres. Très vite, le commissariat de Natete était attaqué, des armes y étaient saisies et 23 véhicules de la police brûlés. Dans différents quartiers, des barrages étaient dressés, avec des troncs d'arbre, des poteaux électriques et des pneus enflammés. Des passants semblent avoir été molestés par les émeutiers sur la base de leur appartenance au groupe ethnique des Banyankole du président Yoweri Museveni. Les Baganda, héritiers du Buganda, un royaume prestigieux et doté d'une organisation politique très ancienne, sont majoritaires dans la région de Kampala.

Pour mettre fin aux manifestations, la police a fait appel à l'armée, qui a déployé dans les rues ses véhicules blindés légers Mamba pour dégager les principaux axes, puis le centre.

La situation semble avoir pris les autorités par surprise, alors que la tension allait croissant avec le très influent Kabaka depuis deux ans. "Le pouvoir avait sans doute sous-estimé la loyauté des Baganda à leur souverain", note Bernard Calas, directeur de l'Institut français de recherche en Afrique (IFRA) et spécialiste de l'Ouganda.

RÉFORME CONSTITUTIONNELLE

Au coeur des tensions entre le pouvoir central et le royaume, se trouve la réforme agraire que le président Museveni souhaite voir appliquer, tablant sur le fait que le texte, favorable aux petits exploitants, améliorera sa popularité et l'aidera à faire passer la réforme constitutionnelle qu'il prépare pour briser l'interdiction qui lui est faite de se présenter pour un nouveau mandat en 2011.

Or les notables baganda sont les principaux propriétaires terriens de la région centre et le Kabaka est le premier d'entre eux. La réforme agraire devrait casser le système de leurs possessions. Alors que les Baganda ont largement voté pour M. Museveni lors des précédentes élections, ils semblent à présent se rapprocher de l'opposition. Le Kabaka milite pour une autonomie accrue de sa région, en défendant une sorte de fédéralisme.

Quelques jours avant qu'éclatent les émeutes, M. Museveni affirmait songer à encadrer sévèrement l'activité des rois d'Ouganda. "Vous imaginez, cela fait deux ans que je n'ai pas pu être reçu par le Kabaka. C'est pourtant moi qui ai réinstauré le royaume, non ?", s'agaçait le chef de l'Etat devant des députés. Jusqu'ici, les royaumes (Bunyoro, Toro...) sont supposés être des entités culturelles. Mais avec les taxes levées sur ses terres, "le Kabaka finance un gouvernement et une administration". "Il a pris un ascendant croissant au cours des dernières années ; il pourrait aussi se mettre en travers du chemin de la réforme constitutionnelle", analyse M. Calas.

Une épreuve de force est donc en cours. Des chefs de petits groupes locaux revendiquent des bribes du pouvoir du Kabaka, que le gouvernement compte leur accorder pour miner l'influence du leader des Baganda. La zone où le Kabaka devait se rendre samedi pour rencontrer ses jeunes partisans, Kayunga, est le siège de la chefferie des Banyara, qui ont soutenu la réforme agraire.

Le pouvoir accuse aussi le royaume d'avoir noué des liens avec la Libye d'un côté, mais aussi avec le principal parti d'opposition, le Forum pour le changement démocratique (FDC) de Kizza Besigye, l'ancien médecin personnel de M. Museveni pendant les années de lutte dans le maquis (1981-1986). Jaberi Bidandi Ssali, un ex-député du parti au pouvoir, s'effraie : "Le pays a toutes les chances de faire l'expérience d'un chaos plus grave encore en 2011."

Jean-Philippe Rémy

Article paru dans l'édition du 15.09.09.

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