mardi 13 février 2007

SOUS LE MUHABURA (1ere Partie)



SOUS LE MUHABURA

Un mythe qui ne veut pas mourir



La nature se répète ; elle n’a pas d’imagination.
Qui refuse de connaître l’histoire est condamné à la répéter.



L’homme a l’imagination ; c’est une nature qui doit donc connaître l’histoire pour ne pas être obligé de la répéter. Son imagination consiste donc à écrire l’histoire et à connaître son histoire.
C’est une vérité qui n’est évidente que pour une certaine élite. Ainsi avant de faire de déclarations à l’opinion publique, il faut veiller à ne pas polluer la conscience des gens par des incongruités, des mensonges dus à notre ignorance crasse.
Les média actuels offrent un public mondial. Ce qui pouvait être dit à un petit groupe insignifiant finit par être entendu par le monde entier. Ces mêmes média ne trouvent pas toujours de l’intérêt dans des discours édifiants pouvant instruire le public.

QUESTIONNEMENT :

« Comment comprendre en effet qu’un peuple, ayant une culture commune, puisse avoir en son sein des gens qui s’égorgent les uns les autres du jour au lendemain ? » déclare une personne parlant de ce qui s’est passé au Rwanda en 1994, lors du procès des « quatre génocidaires » à Bruxelles (avril- juin 2001).
Un autre de dire : « Des hutu se sont mis à tuer même leurs amis tutsi en avril-juillet 1994, après l’assassinat du président rwandais Habyarimana Juvénal ». Et la personne ajoutait, quasi cyniquement, « faudrait-il donc apprivoiser sa victime pour mieux la tuer ! »
J’ai entendu des tutsi dire que ce sont les Belges qui ont créé le clivage entre hutu et tutsi au Rwanda pendant la période de la colonisation : « les divisions au sein du peuple rwandais, notamment entre Hutu et Tutsi, ont été créées et entretenues par le pouvoir colonial et néo-colonial, ainsi qu’une poignée de politiciens irresponsables et en mal de pouvoir, non seulement à l’intérieur du Rwanda, mais aussi dans les pays voisins ».
Un blanc a écrit un livre ; malheureusement, je n’ai pas retenu ni son nom ni le titre de son livre. J’ai retenu une chose qui m’a fait tiquer, à propos de la victoire des tutsi au Rwanda en 1994 où ils ont reconstitué le pouvoir tutsi ravi en 1959 par les hutu. Pour justifier cette reprise du pouvoir, ce blanc évoquait un proverbe Massaï qui dit à peu près ceci : « Une seule pluie ne peut effacer la zébrure du zèbre ».




J’ai compris que le blanc voulait dire qu’il est de l’essence du tutsi d’être au pouvoir, que le tutsi est « natus ad imperium » et non le contraire. Dès lors qu’un hutu s’agite et prend le pouvoir, c’est pour le temps d’une pluie, même pas d’une saison. Après la pluie, revient le beau temps, le tutsi reprend sa domination sur le hutu.

MUHABURA
Je ne veux être fanatique ni des uns ni des autres comme ce blanc est fanatique des tutsi. Je voudrais être un « Muhabura ». Je ne voudrais pas être Radio Muhabura , une radio pirate (1990-1994) qui disait des choses comme Radio RTLM. Et pourtant, les blancs qui sont experts en écoute, n’ont entendu que RTLM, alors que la cible de cette radio pirate était la même que celle de RTLM, mais en ondes courtes. D’ailleurs elle couvrait mieux le Rwanda que RTLM, qui n’était qu’en FM (Frequency Modulated). Cette radio pirate appelait surtout les jeunes tutsi et tout tutsi qui le pouvait à prendre les armes pour reconquérir le pouvoir que les hutu avaient arraché.



Tandis que moi, pauvre type du « quart-monde », j’ai entendu aussi Radio Muhabura. Comment ces blancs ont-ils fait pour ne pas entendre cette Radio Muhabura ? En tout cas, ce que je sais, c’est qu’ils n’en parlent pas. Et ce n’est pas parce qu’ils n’en parlent pas que la Radio n’a pas existé. Ces blancs doivent savoir qu’ils n’ont pas le monopole du savoir.



Si je suis le seul qui donne ce témoignage, dites que je rêve et convainquez-moi de ne pas prendre mes rêves pour des réalités ; et dites-moi : ce sont des fantasmes, c’est un mythe que tu nous raconte, il n’y a jamais eu de radio Muhabura émettant sur les ondes courtes dans la bande de 49 mètres. J’ai oublié du reste la fréquence exacte, l’essentiel n’était pas la fréquence, mais qu’elle soit audible. Or ce n’est pas moi qui ai inventé ces fréquences, c’est vous les blancs, et vous me dites que ce que j’ai entendu ne provenait pas de la bande de 49 mètres ! Je disais que je veux être comme le Volcan Muhabura. Ce volcan est heureusement éteint, car je ne veux entraîner et brûler personne dans ma lave. Je veux être comme cette haute montagne qui indique le chemin à tous ceux qui voyagent dans ce coin. Son nom l’indique, « guhabura » signifie indiquer son chemin à celui qui l’a perdu. A celui qui n’a plus de boussole et qui a perdu le Nord, cette montagne indique le Nord, car elle se trouve dans le Nord du Rwanda. La ville de Ruhengeri se trouve à ses pieds, à mi-chemin entre Kigali et Gisenyi, frontalier de Goma.

LES DESTINATAIRES

Les tutsi

Je veux montrer le chemin à ceux qui se perdent dans leur propre imbroglio. D’abord les tutsi qui ne veulent pas connaître leur histoire parce qu’ils n’en sont pas fiers, et il y a de quoi. Ce n’est pas parce que notre histoire nous fait honte qu’il ne faut pas la connaître : nous risquons de la répéter à notre détriment : « Nul n’a le droit d’effacer l’histoire d’un peuple
car un peuple sans histoire est un peuple sans âme ».
Ainsi quand un peuple a honte de son histoire et tente de l’effacer, il devient un peuple sans âme et produit des catastrophes. Et ceux qui l’encouragent à effacer cette histoire partageront avec lui la responsabilité de ces catastrophes.

Les hutu et les tutsi ensemble

Ensuite pour les hutu ensemble avec les tutsi ; ils ne doivent pas penser que le pouvoir leur appartient et qu’ils peuvent en disposer comme bon leur semble. On est au pouvoir pour rétablir le droit. Il faut garantir à chacun son dû, alors on est un vrai chef. Le temps des gangsters est révolu. On ne prend pas le pouvoir pour son groupe ethnique uniquement. Nous devons construire des nations « Rainbow ». Suivons l’exemple de notre patriarche Nelson Mandela dans son ‘’South Africa’’ Une nation où chacun, peut importe sa race, son ethnie, sa région, la longueur de son nez ou de sa jambe, aura ses droits. Créons des institutions solides et respectons-les. Ne trichons pas comme ceux qui veulent avoir trois mandats de présidence et forcent le parlement à changer la constitution. Les blancs nous « englobalisent » pour nous recoloniser. Tenons tête. Ne nous laissons pas avaler. Ne trahissons pas nos pays, parfois même pour des bagatelles. Un pays est une valeur infinie qu’on ne peut troquer contre quoi que ce soit.

Les blancs

Enfin pour les blancs qui sont souvent des naïfs et croient que nous sommes des imbéciles auxquels on peut faire avaler tant de couleuvres. Vous les blancs, vous avez conquis l’Afrique et vous en avez fait votre jouet ; vous voulez maintenant l’englober soi-disant que vous lui voulez la globalisation ou la mondialisation. Ce n’est pas pour son bien en ce moment. Car votre intention est de l’avaler encore. Au lieu de venir nous apprendre le développement, vous nous apportez la guerre et vous dites que c’est la mondialisation. Cessez de nous mentir. Cessez de jouer avec nous. D’ailleurs, attention ! Si vous refusez de nous apprendre à nous développer par nous-mêmes, nous serons à vos portes ; nous y sommes déjà, sans papiers ou avec papiers. Vous avec besoin de nous car votre population décroît. Vous n’aimez pas les enfants, vous marriez les homos pour avoir des ‘’martiens’’ à la place des enfants ; ils sont inféconds, ils vont adopter des petits nègres contre leur gré puisqu’ils ne trouveront pas toujours des petits blancs. Ce n’est pas celui qui n’en a qu’un qui leur donnera pour adoption.



Et puis il vous faut des marchés. Si nous sommes incapables de consommer ce que vous produisez, vous serez en faillite ; vous allez restructurer vos entreprises et licencier tant d’ouvriers et vos gouvernements vont tomber puisqu’ils seront antisociaux, car vous ne saurez plus honorer vos promesses faites lors de vos campagnes électorales.

LE MYTHE DES « IBIMANUKA »

Un mythe qui ne veut pas mourir. Je vais reprendre un mythe tutsi. Et s’il ne veut pas mourir, c’est parce qu’il est entretenu. Et c’est lui qui donne une explication à notre questionnement. N’en déplaise à Auguste Comte, le mythe a une vie dure. Même à l’âge « positive » le mythe renaît de ses cendres. Il naît de ce qui semblait éteint. Oui « Ivu lihoze nilyo lyotsa inzu ». Méfions-nous donc de la cendre refroidie, elle cache souvent un feu qui brûle la maison.

Voici le mythe des « Ibimanuka » (descendus du ciel) :

(Après, nous lirons l’original, en langue rwandaise)

« Autrefois dans le pays d’en haut (le ciel) il y avait un homme du nom de Shyerezo. Il eut plusieurs épouses, dont une qui s’appelait Gasani. Mais elle était stérile. Un matin vint (une sorcière ) une prophétesse du nom de Impamvu qui lui dit : ‘’ Je prophétise pour toi que tu vas enfanter un garçon ! Ma récompense est simple : me donner de quoi m’habiller et manger, me permettre d’habiter dans ta cour pour que je puisse te dire toujours ce que tu dois faire. Gasani accepta ce que Impamvu lui dit : elle fut du nombre de ses servantes.
Le lendemain Impamvu dit à sa maîtresse : Fais-toi un pot en bois d’érythrine (umurinzi, igiko ) et remplis-le de lait et je te dirais ‘’ En ce jour là Shyerezo égorgea un taureau pour sa divination : quand les sorciers avaient fini de dépecer la bête, ils trouvèrent qu’elle était de bonne augure (Cyeze : devenu blanche). Ils allèrent dans la maison du Roi donner les couleurs de la bête. Au moment où ils étaient en train de raconter que les augures étaient bons, Impamvu dit à sa maîtresse de voler le cœur de la bête. Après l’avoir volé, elles le mirent dans le pot d’érythrine rempli de lait. Elles attachèrent ce pot avec les calebasses de lait ; on y ajoutait du lait chaque fois qu’on trayait les vaches, matin et soir pour que le lait y soit toujours rempli. Elles comptèrent 9 mois, et lors du 10ème mois, elles le détachèrent. En l’ouvrant, elles trouvèrent un bébé flottant au-dessus du lait. Tout le monde chanta les ‘’ vivat !’’, en disant : ! ‘’Gasani a enfanté’’.



On avertit Shyerezo en lui disant de venir donner un nom à l’enfant, mais il refusa en disant : cet enfant n’est pas le mien ! Qu’on le tue, je ne veux pas qu’il reste en vie ! ‘’ Quand Gasani et sa servante entendirent cela, elles cachèrent l’enfant ; en effet ceux qui venaient le tuer, ne voulant pas se brouiller avec leur maîtresse, commençaient par l’en avertir d’abord. L’enfant devint grand et il eut une beauté incomparable. La nouvelle arriva de nouveau chez Shyerezo en lui disant : ‘’ Tu as franchement un enfant d’une beauté sans pareille’’. Il répondit : Que s’est-il passé ? J’ai ordonné qu’on tue cet enfant. Qu’on aille le tuer, je ne le veux pas, ce n’est pas mon fils’’. Les serviteurs qu’il envoyait venaient dire à Gasani : ‘’ Nous venons voir ton enfant qu’on exalte tant : Appelle-le pour que nous le voyions ! Sa mère l’avait appelé Sabizeze. En le voyant, ils furent émerveillés de lui seulement et oublièrent tous de le tuer. Ils retournèrent chez son père et lui dirent : « « Le tuer c’est comme vous tuer vous-même » ». Ils firent cela par trois fois et finalement le père résolut d’aller le tuer lui-même. En l’apercevant, il n’eut plus de force de le tuer et le fit son enfant : il l’appela Bonnes augures.



Un jour la mère de Gasani vint la visiter. Le Mutwa (serviteur de l’ethnie Twa ) de Sabizeze alla les écouter indiscrètement pour qu’il entende ce que Gasani échangerait avec sa mère. Lors de leur conversation, elles vinrent à parler de Sabizeze ; la mère de Gasani demanda : ‘’ Comment as-tu pu avoir un enfant d’une telle beauté, car j’ai entendu que Shyerezo avait refusé de le reconnaître comme le sien ? Gasani lui raconta alors comment Sabizeze est sorti du cœur d’un taureau que les sorciers avaient pris comme augure lors d’une divination. Les augures avaient été favorables. Quand le Mutwa avait entendu cela, il sortit et trouva Sabizeze où il jouait avec d’autres enfants et lui dit : ’’O ! fils de mon maître, je m’émerveille plus de ta supériorité sur nous en tout. Je sais que tu es sorti du cœur d’un animal de divination dont les augures ont été favorables ! Tu n’es pas né de Shyerezo, rien d’étonnant que tu sois supérieur sur nous en tout ?’’



Sabizeze, après qu’il eut entendu cela, dit : ‘’Comment se fait-il que Gasani est allé me renier, en disant que je ne suis pas l’enfant de mon père ? Je ne peux plus rester dans ce pays : ma honte me serait insupportable !’’. Il partit, prit son arc et ses trois chiens : Ruzunguzungu, Rukende et Ruguma. Il prit ses marteaux dont Nyarushara ; il appela son frère Mututsi et leur sœur Nyampundu. Il conduisit devant lui leur taureau Rugira, et sa femelle Ingizi ; il prit leur brebis Nyabuhoro et son bélier Mudende ; il prit leur coq Rubika et sa poule Mugambira. Avec leur Mutwa, ils prirent le chemin du départ ».

Voici le texte original de mythe des « Ibimanuka ».

« Umugani

2—Kera mu gihugu cyo hejuru hahoze umuntu akitwa Sherezo. Ashaka abagore benshi, balimo uwitwa Gasani. Aliko Gasani aba ingumba. Bukeye haza umuhanuzikazi witwaga Impamvu, aramubwira, ati : Nkuragulire umuhungu ugiye kubyara ! Icyo uzampemba ntikiruhije : upfa kunyihera icyo nambara n’ikintunga, nkaza ngatura mu rugo rwawe gusa, kugira ngo mbone n’ubulyo bwo kugumya kukubwiliza uko uzabigenza. Gasani yemera ibyo Impamvu amubwiye : amutungira aho mu baja be.

3—Bukeye Impamvu abwira nyirabuja ati : « Ubajishe igicuba cy’umurinzi ucyuzuzemo amata nzakubwira ! » Muli iyo minsi, Shyerezo aza kubagisha ikimasa yiraguliza : abapfumu bamaze kucyorosora, baratega basanga cyeze. Bajya rero mu nzu kuvuga amabara yacyo. Igihe bahigiye muli ibyo, Impamvu abwira nyirabuja ngo yibe umutima wacyo. Arawiba ! Bawujugunya muli cya gicuba cy’umurinzi bali bujujemo amata. Igicuba bakijisha hamwe n’ibisabo, bakajya bakibuganizamo amata uko inka zihumuje mu gitondo na nimugoroba, kigira ngo amata ahore yuzuyemo.Babara amezi cyenda, ukwa cumi barajishura ! Bapfunduye basanga akana k’uruhinja kareremba hejuru y’amata. Bavuza impundu, bati : « Gasani arabyaye !».

4 – Inkuru ngo igere kuli Shyerezo bamubwira ngo aze kwita umwana izina, Shyerezo aranga ati : « Uwo mwana si uwanjye ! Nibamwice sinshaka ko ambera aho ! » Gasani n’umuja we babimenye baramuhisha, kuko abazaga kumwica babaga banga kwiteranya ne nyirabuja : baza bakabanza kumubulira. Umwana amaze gukura, aba mwiza cyane. Inkuru igera kuli Shyerezo bati : « Rwose ufite umwana mwiza cyane, utaraboneka mu bantu ! » Ati : « Uwo ko nategetse kumwica, byagenze bite ? Nibagende bamwice, simushaka ntabwo ali uwanjye ! »Abagaragu atumye baraza babwira Gasani bati : « Tuje kureba umwana wawe barahiliye : muduhamagalire tumubone ! » Nyina akaba yaramwise Sabizeze ! Aje ngo bamukubite amaso, baramutangalira gusa, ntihagira uwibuka ibyo kumwica. Baragenda babwira se bati : « Uwamwica ni nko kukwica ubwawe ! » Babigize gatatu, se aza kumwiyicira : amukubise amaso acika intege za kumwica, amugira uwe ; amwita Immana !

5.Limwe rero nyina wa Gasani aza kumusura. Umutwa wa Sabizeze aza kubumviliza, ngo yumve ibyo Gasani avugana na nyina. Bombi rero baraganira bagusha kuli Sabizeze ; nyina wa Gasani ati : « Mbese uriya mwana usa kuriya wamubyaye ute, ko nimvise ngo Shyerezo yarabanje kumwanga ko ali uwe ? » Gasani rero amutekerereza uko Sabizeze yavuye mu mutima w’ikimasa abapfumu ba Shyerezo bali baraguye kirera. Umutwa amaze kubyumva arasohoka, asanga Sabizeze aho akinira n’abandi bana. Ati : « Mbega umwana wa databuja, ugira ngo ndacyatangajwe n’ukuntu uturusha byose ! Namenye ko wavuye mu mutima w’immana bali bejeje ! Ko utabyawe na Shyerezo wabuzwa n’uki kuturusha byose ? »

6. Sabizeze ngo abyumve, ati : « Aho murumva Gasani wagiye kumbyarura, akagira ngo si ndi uwa data ! Singishoboye kuba muli iki gihugu : isoni ntizareka ngira aho nkwirwa ! » Aragenda rero yenda umuheto we n’imbwa ze eshatu : Ruzunguzungu, na Rukende, na Ruguma. Yenda inyundo ze zilimo Nyarushara ; akora kuli murumuna we Mututsi, na mushiki wabo Nyampundu. Ayobora imfizi yabo Rugira, n’insumba yayo Ingizi ; ajyana intama yabo Nyabuhoro, na rugeyo yayo Mudende ; yenda isake yabo Rubika n’inkokokazi yayo Mugambira. Umutwa wabo ataho, maze bashyira nzira.

Igitekerezo

7. Bamanuka kw’ijuru baza mu gihugu cyo hasi, maze bururukira ku Rutare rw’Ikinani, ho mu Mubali. Hakaba igihugu cy’Abazigaba, Umwami wabo. Bageze ku Rutare rw’Ikinani baracanira. Abagaragu ba Kabeja babonye umwotsi baratangara, bati : « Mbese hariya hantu ko hatabaga abantu, uriya mwotsi uturutse kuki ? » Abandi bati : « Ahali aho ni abahigi bahacanye, cyangwa se ni abagiye guca amakara ! » Bukeye basanga umwotsi utimutse ; bimara iminsi babona umwotsi wahamenyereye. Bajya kubibwira Kabaja ko wenda haba harubatse abantu batali basanzwe bazwi. Kabeja yohereza abajya kureba abo ali abo.

8. Intumwa zije ziti : « Muli aba he ? Mwaje kwenda iki aha ngaha ? » Sabizeze ati : « Turava mw’ijuru ; ntabwo tugenzwa no kugira icyo tubatwara tuli abashyitsi b’amahoro ! » Intumwa zisubira kwa Kabeja : arabareka batura muli iryo shyamba, baliragiramo, baralihinga. Babita Ibimanuka, kuko bali bavuye mw’ijuru. Umutware wabo ali we Sabizeze noneho bene igihugu bamwita Kigwa, kuko yaguye aturuka mw’ijuru.

9. Bukeye rero Kigwa abwira murumuna we Mututsi ati : « Mbese ko uruzi inyamaswa twazanye zanga zikagwira, ali uko zifite ingore, twe tuzamera dute ? Tugiye gupfa ducitse ? Enda turongore mushiki wacu Nyampundu ! ». Mututsi aranga. Kigwa aramurongora babyarana umukobwa Sukiranya. Amaze gukura, Kigwa agira Mututsi inama ati : Enda mugushingire ! » Mututsi ati : « Sinashaka umwana wanjye ! » Kigwa ati : Ndakwereka uko tubizirura ! Genda uture hakulya yacu hariya, bukeye uzaze kumusaba ! Ninkubaza ubwoko bwawe, uzagire uti : « Ndi Umwega wa kulya ! » Mututsi arabigira, bukeye arongora Sukiranya, babyarana Mukono, na Ntandayera na Serwega ».
[i]


QU’EST-CE QU’UN MYTHE ?

Avant de donner les sources de ce mythe et ce qu’il nous apprend, nous allons essayer de comprendre ce qu’est un mythe ; nous avons actuellement un éclairage nouveau sur ce genre littéraire particulier avec les courants philosophiques de l’herméneutique. Le mythe n’est plus tout simplement une histoire inventée pour amuser la galerie : les mythes d’origines ont une signification profonde relative à la vie d’un peuple donné.
Car nous essayerons de comprendre pourquoi notre mythe ne veut pas mourir.


Le mot mythe provient du mot grec Muqoz qui signifie : récit, fable. Le Petit Robert nous donne une série de significations du mythe :

1. - Récit fabuleux, souvent d’origine populaire, qui met en scène des êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition humaine.
Exemple : le mythe de Prométhée, le mythe de Sisyphe.

2. - Représentation de faits ou de personnages réels déformés ou amplifiés par l’imagination collective, la tradition.
Exemple : Le mythe de Faust, mythe de l’Atlantide.

3. - Représentation idéalisée de l’état de l’humanité dans un passé ou un avenir fictif.

Exemple : Mythe de l’Age d’or, du Paradis perdu.

4. - Image simplifiée, souvent illusoire, que des groupes humains élaborent ou acceptent au sujet d’un individu ou d’un fait et qui joue un rôle déterminant dans leur comportement ou leur appréciation.

Exemple : le mythe de la galanterie française, du flegme britannique, de la lourdeur allemande.

André Lalande note que le mythe est un récit fabuleux, d’origine populaire et non réfléchie, dans lequel des agents impersonnels, les plus souvent des forces de la nature, sont représentés sous forme d’êtres personnels, dont l’action ou les actions ont une valeur symbolique[ii].

TSHISUNGU estime, quant à lui, que le mythe se veut une grande voix anonyme qui profère un discours venu du fond des âges, issu du tréfonds des esprits. C’est un message, un récit prenant ses origines dans la partie du temps, il n’a pas d’auteur connu, il est assumé par un groupe et se transmet de génération en génération[iii].

Le mythe n’est pas une fable. Il a une intention signifiante. Il a sa manière de dire les choses, manière empruntée aux fables, à la fantaisie. Même si cette manière rebute, ce qui est important, ce n’est pas la manière ou la forme, mais le fond. Le mythe dit quelque chose à quelqu’un sur quelque chose[iv].

Selon Mircea Eliade, le mythe a essentiellement une fonction d’instauration ; il n’y a mythe que si l’événement fondateur n’a pas de place dans l’histoire, mais dans un temps avant l’histoire, in illo tempore. C’est essentiellement le rapport de notre temps avec ce temps qui constitue le mythe, et non pas la catégorie des choses instituées, que celles-ci soient le tout du réel – le monde -- ou en fragment de la réalité : une règle éthique, une institution politique ou encore le mode d’existence de l’homme selon telle ou telle condition, innocente ou déchue. Le mythe dit toujours comment quelque chose est né[v].



Le mythe a une fonction pratique. Il veut servir de paradigme. Dans ce sens alors, il y a lieu de constater un lien étroit entre mythe et rite entendu aussi comme concrétisation de l’existence. Le mythe fonde le rite en établissant des paradigmes d’actions. Ce lien doit être compris dans son principe ; c’est dans la mesure où le mythe institue la liaison du temps historique avec le temps primordial que la narration des origines prend valeur de paradigme pour le temps présent : voilà comment les choses ont été fondées à l’origine, et elles sont encore aujourd’hui de la même façon. Le rite paraît porter le mythe ; le mythe paraît n’être plus que le support de récit qui institue le rite. On peut dire alors que le rite appartient à l’étiologie du rite. Si en effet le mythe peut être revécu rituellement, il peut être tenu comme l’instruction permettant d’opérer le rite et, par-là même, de répéter l’acte créateur[vi].

Le mythe qui nous occupe contient un peu de chaque définition : c’est un récit fabuleux qui met en scène des êtres incarnant des aspects de la condition humaine. Il provient de l’imagination collective, id est, la tradition ; il représente de façon idéalisée les origines du peuple tutsi. Cette représentation est acceptée par le groupe tutsi et il joue le rôle déterminant dans leur comportement vis-à-vis des autres peuples avec lesquels ils vivent, en particulier les hutu.

LES SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES DU MYTHE

Le texte du récit mythique que nous vous avons proposé provient d’un livre écrit en langue rwandaise par un prêtre tutsi : Monsieur l’abbé Alexis KAGAME. Comme nous ferons beaucoup allusions à lui, il vaut mieux que nous le connaissions un peu plus. Il est mort depuis 1982, il avait reçu le titre de ’’Monseigneur’’. Qui était Monseigneur Alexis Kagame ?



C’est un prêtre rwandais. Il est né le 15 mai 1912 à Kiyanza (Buriza). Il fit suit l’école primaire à l’école officielle de Ruhengeri dès octobre 1926, baptisé à Rwaza en septembre 1928. Il fut admis au petit séminaire de Kabgayi dès 1928, sans stage, il y « saute » la Poésie où l’on traduit le De Bello gallico, sort d’un rhétorique où il s’est distingué en juillet 1933. Il entre alors au Grand Séminaire, toujours établi à Kabgayi en octobre suivant et y étudie deux ans la Philosophie scolastique. Mais ses maîtres n’ont pas manqué d’apercevoir l’attrait qu’exerce sur lui l’histoire et le folklore.



Entré en Théologie en 1935 il reçoit l’autorisation de passer les vacances à recueillir les souvenirs de bardes qui habitent aux environs de Kabgayi et que le R.P. Recteur, futur vicaire apostolique, indemnise de leurs déplacements. Dès 1937, il aura distingué et analysé les trois grands genres de la poésie traditionnelle de son pays. En 1938, au lieu de passer en paroisse rurale le temps de probation qu’impose la règle canonique locale, entre les ordres mineurs et les ordres majeurs, aux futurs prêtres indigènes, Alexis Kagame est attaché à la rédaction du Kinya-Mateka, nouvelliste mensuel en langue rwandaise, et à l’initation au français et à l’histoire des frères noirs bayozefiti (Joséphites), se formant d’ailleurs aux disciplines européennes de la critique et de l’histoire à l’école du Chanoine de Lacger occupé à écrire sur place son Ruanda ancien et moderne. Reprenant en 1939 ses études préparatoires au sacerdoce, Kagame est ordonné prêtre le 25 juillet 1941. Il est alors nommé rédacteur en chef du Kinya-Mateka et participe aux travaux d’une sorte de comité d’études culturelles fondé par le R.P. de Decker et auquel s’intéresse vivement le Mwami Mutara III. Il obtint de celui-ci, l’année suivante, la création du fonds des Editions royales de Kabgayi. Ainsi, il put continuer les recherches commencées[vii].



Dès 1950, il était élu membre de l’Académie Royale des Sciences d’Outre-mer de Bruxelles. En 1952, il est inscrit à l’Université Pontificale de la Grégorienne à Rome, où en 1955, il obtint son doctorat en philosophie avec la thèse : « La Philosophie Bantu-Rwandaise de l’Etre » qui fut publiée en 1956 par l’Académie dont il était déjà membre. Il rentre au pays en 1956 où il devient professeur au Groupe Scolaire de Butare (Astrida), et au séminaire de Kansi. Dans la suite il fut nommé professeur à l’Institut Pédagogique Nationale de Butare. Dès 1971, il est professeur des cultures africaines au Grand Séminaire de Nyakibanda. Il fut invité à l’Université de Lubumbashi comme professeur visiteur[viii]. Il meurt à Nairobi en 1982.



Il était : Membre du clergé Indigène du Rwanda, membre Correspondant de l’Institut des Recherches Coloniales Belges de Bruxelles, chercheur associé de l’Institut pour la Recherche Scientifique de l’Afrique Centrale. (I.R.S.A.C.), membre correspondant de la Commission de linguistique Africaine.

ŒUVRE DE A. KAGAME

A. En français :

1. La Philosophie Bantu-Rwandaise de l’Etre, (Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, Collection des Mémoires in-8°) Bruxelles, 1956.
2. La philosophie Bantu comparée, Paris, Présence Africaine, 1976.
3. La poésie dynastique au Rwanda (Mémoire de l’Institut des Recherches Coloniales Belges), Bruxelles, 1951.
4. La Divine pastorale (Umulirimbyi wa Nyiri-Ibiremwa) (Mémoire de L’Institut des Recherches Coloniales Belges), Bruxelles, 1951.
5. Le Code des Institutions Politiques du Rwanda Précolonial (Mémoire de L’Institut des Recherches Coloniales Belges), Bruxelles, 1952.
6. Les Organisations socio-familiales de l’Ancien Rwanda, (Académie Royales des Sciences Coloniales, Classe des Sciences morales et politiques), Bruxelles, 1954.
7. La Notion de Généalogie appliquée à la généalogie dynastique et à l’histoire du Rwanda de Xe – Xie siècles à nos jours, (Académie Royales des Sciences Coloniales, Classe des Sciences morales et politiques), Bruxelles, 1959.
8. Les Hamites du Rwanda et du Burundi sont-ils des Galla ? Bulletin des Séances de l’Académie Royale des Sciences Coloniales, Bruxelles, 1956.
9. Le Code ésotérique de la dynastie du Rwanda, in Zaïre, Bruxelles, avril 1947.
10. La poésie pastorale au Rwanda, Zaïre, Bruxelles, Juillet 1947.

B. En langue rwandaise.

1. Inganji Karinga, (vol. I) Histoire du Rwanda avant la présente dynastie, Editions Royales, Kabgayi, 1943.
2. Inganji Karinga , (vol. II) Histoire de la Dynastie actuelle, des débuts au XVIe siècle environ, Editions Royales, Kabgayi, 1947.
3. Umwaduko w’Abazungu muli Afrika yo hagati (l’Arrivée de Européens en Afrique Centrale, Editions Royales, Kabgayi, 1947.
4. Icara nkumare irungu (Assieds-toi que je te désennuie) recueil de poèmes humoristiques sur la famine de 1943, Editions Royales, Kabgayi, 1947.
5. Iyo wiriwe nta rungu (Où tu as passé la journée, point d’ennui), recueil de poèmes humoristiques du XVIIIe siècle à nos jours. Editions Royales, Kabgayi, 1949.
6. Indyohesya-birayi (Relève-goût des pommes de terre) : poème humoristique sur le Porc mis en parallèles avec la vache) Editions Royales, Kabgayi, 1949.
7. Isoko y’amajyambere (Les Sources du progrès) : Epopée didacto-historique en 31 chants de 5.586 vers), Editions morales, Kabgayi, 1949-1950.
8. Umulirimbyi wa Nyli-Ibiremwa (Le chant du Maître de la Création) ; les 8 premirs chants de l’Epopée traduite en français sous le titre, La divine pastorale) Astrida, Editions des Frères de la charité, 1951-1952.
9. Imigani y’imigenurano (Dictons sapientiaux), Kabgayi, 1953.

Alexis KAGAME est un grand écrivain connu au temps colonial comme au temps post-colonial. Historien, anthropologue, philosophe, poète, écrivain, il est bien connu dans le monde universitaire. En Belgique, à Rome, au Congo (il a enseigné à l’Université de Lubumbashi), au Rwanda, au Burundi.

Comme nous le constatons, Alexis Kagame a été initié exceptionnellement, pour des raisons scientifiques, à la science des Biru. Dans "Inganji Karinga", il écrit en effet :


« Quand j’ai écrit ce livre pour la première fois en 1943, je n’avais pas encore eu à connaître le secret des Biru pour que je sache la raison de cette coutume. Quand on me l’a dit j’ai d’abord juré aux Biru que je n’allais pas révéler ce secret. C’est la raison pour la quelle je dis une partie, celle que tout le monde pouvait voir au moment où cela se faisait. Mais quant à la raison profonde de la coutume, je ne puis l’écrire car je ne respecterais pas mon serment. Comprenez que je ne le dis pas à cause des tabous des Biru ; je souffre seulement parce que nous n’avons pas de permissions de les connaître publiquement, car le Bwiru contient une science qui pouvait montrer au plus haut point l’intelligence du Rwanda dont les Ruandais et les étrangers peuvent s’émerveiller. Le Bwiru est cependant une somme de science et de coutumes païennes pratiquées à la cour royale mais quand je dis qu’il s’agit d’une science et d’une intelligence, c’est qu’on peut les tamiser en les séparant des pratiques païennes. Je souhaite le faire ainsi, mais je ne peux le faire à cause de mon serment fait aux Biru de les laisser écrits pour les faire connaître plus tard. Ils disent ceci : des choses qui ont été un grand secret depuis tous les règnes et que c’est nous qui les gardons maintenant, nous ne pouvons pas permettre qu’elles soient connues de notre vivant’’. Le Bwiru appartient au roi ; c’est Mutara III Rudahigwa qui a autorisé de les écrire pour qu’elles ne se perdent pas[ix]».



Il connaît donc la société rwandaise plus que quiconque. Nous pouvons lui faire ce crédit et nous laisser instruire par lui. Car en plus des Biru, il a fréquenté les Abasizi, les Abacurabwenge qui possèdent tout ce qu’on peut savoir sur le Rwanda ancien.




Mais remarquons tout de suite que s’il devait écrire ses ouvrages dans la dernière décennie du XXe siècle, il y a beaucoup de choses qu’il ne pouvait pas écrire. On ne pouvait pas le lui permettre, car elles vont à l’encontre de ce qu’on a voulu faire croire pour des visées idéologiques. Les Tutsi actuels ne lui auraient pas permis d’écrire ceci entre autres :

1. Que les Tutsi soient des Hamites ou des Nilotiques provenant de la corne de l’Afrique. Ils veulent qu’ils soient venus d’ailleurs que là, car ils veulent êtres des bantu.
2. Que les Tutsi, les Hutu et les twa sont de races différentes : pour les tutsi, ce ne sont pas des races ; c’est une même race mais de rang social différents. D’ailleurs une autre théorie a surgi qui disait : il n’y a pas ni hutu ni tutsi, il y a tout au plus un sudiste (munyanduga ) et un nordiste (mukiga).
3. Que les tutsi aient un mythe séculaire qui fait d’eux des descendants des Ibimanuka, des gens descendus du ciel ; ce qui leur donne le droit de se dire de race supérieur aux autres, surtout les hutu qu’ils ont conquis.
4. Que les tutsi n’ont laissé que très peu de places aux hutu dans leurs conquête. La gestion politique du pays était réservé uniquement aux tutsi.
5. Que le hutu n’existait pas juridiquement.
6. Qu’il n’y a jamais eu de tutsi dans ce qui faisait le Congo de l’époque. Il écrit ceci à ce sujet :
« …Quand les Batutsi sont arrivés ici, d’où venaient-il ? ‘’ De toute façon ils ne venaient pas de l’Ouest du Rwanda, parce qu’au Kongo ils ne savent pas ce qu’est un Mututsi. Ils ne peuvent pas y trouver leur origine, comme le dit le proverbe : ‘’les vaches ne suffisent déjà pas aux pillards qu’on puisse dire qu’il faut ramener celles qui restent »

« Abatutsi bacyaduka ino, baje baturuka hehe ? » Ati « Icyakora nta bwo baturutse mu Burengera-zuba bw’u Rwanda, kuko mu bya Kongo batazi umututsi icyo alicyo. Nta bwo rero hashobora kuba amavukiro yabo, wa mugani baca ngo : Ziba zidakwiliye n’abanyazi, ngo : uraramure ? »
[x]

7. Il a écrit dans "Les organisations socio-familiales de l’Ancien Rwanda" à propos de dénominations tutsi et hutu, « …que les deux dénominations expriment une idée de différence sociale, et indirectement celle des races. On s’explique dès lors les dispositions du Droit politique traditionnel, qui considère comme Mututsi toute personne détenant un grand nombre de vaches, sans faire attention au fait qu’il serait de race Muhutu. Du moment qu’il a accédé à la richesse bovine, il est politiquement Mututsi, tout en restant racialement Muhutu (Cf. art. 254 du Code, p. 96)[xi].



Certains humoristes malicieux y ont vu une preuve pour dire que tutsi et hutu sont des catégories sociales et non des catégories ethniques ou raciales. Il faut comprendre que quand Kagame écrivait, la notion de culture n’était pas encore bien maîtrisé en Afrique. Il en est de même de la notion de mythe.



La culture est le fruit du travail de l’homme sur la nature. C’est ce que l’homme invente pour pouvoir concrétiser sa nature dans l’existence. C’est pour cela que les cultures sont diverses et surtout elles changent même à l’intérieur d’une même ethnie. La dénomination tutsi et hutu a été inventé par les tutsi et les hutu. Et la richesse qu’ils auront, les convenances sociales qu’ils auront viennent de leur intellect, de leur imagination. Leur culture vient d’eux-mêmes en ce qui les concerne chacun. Ils peuvent appeler tusti qui ils veulent, ils peuvent appeler hutu qui ils veulent et pour les raisons qui sont à eux. Personne ne leur conteste cela.



Mais leur « venue-dans-et-par-le-monde » ne dépend pas d’eux. Ils surgissent ex-nihilo avec leurs caractères physiques qu’ils ne peuvent modifier, car cela leur est donné. Ils ne se le donnent pas. Le patrimoine physique qui le distingue les uns des autres est une donnée originaire du Bon Dieu. Qu’il y ait eu mutation, qu’il y ait eu hybridation, métissage, cela est possible, mais nous constatons que ces transformations n’ont pas supprimé les caractères primaires de chaque ethnie qui les rendent repérables. Surtout qu’à travers la volonté de la race pure, les tutsi n’ont pas favorisé ce métissage.
Alexis Kagame le suggère : « … dans les régions où la présence des Hamites immigrés est séculaire, le type des autochtones bantu a dû subir des modifications plus ou moins accusées. Pour ne nous limiter qu’au seul cas du Rwanda, certains bahutu descendent des Hamites appauvris et déchus de leur rang social… d’autres… ont pour ancêtres des bahutu enrichis à une époque donnée et qui purent épouser des femmes hamites [xii]». Plus loin, il reconnaîtra que le tutsi ne faisait pas la promotion de ce métissage: « ihene ntibangulirwa intama = le bouc ne peut monter la brebis. C’est-à-dire : la race caprine (symbole de la race ou de sang social inférieur) ne peut prendre ses femelles chez la race ovine (symbole de race ou de rang social supérieur [xiii]».

Nous disons qu’il ne pouvait pas écrire ces choses parce que elles sont justement la pomme de discorde entre les tutsi et les hutu d’une part, entre les tutsi et les congolais d’autre part.
Mais il nous a écrit ce qu’il a écrit. Aucun hutu, aucun congolais ne lui a demandé d’écrire ce qu’il a écrit. Il l’a fait parce qu’il voyait qu’il devait l’écrire pour le faire connaître. Il a reçu l’aval, et de la cour d’alors, et de la colonie. Félicitons-le pour son honnêteté intellectuelle.

« INGANJI KARINGA »



Le livre dont il est question s’intitule : Inganji Karinga, ce qui se traduit par : La Victoire du Tambour Palladium Karinga. Il a été publié à partir de 1943 à Kabgayi au Rwanda.
Karinga est un des tambours, signes de la royauté dynastique tutsi qui ont conquis et dominé le pays des hutu dit le Rwanda. M. l’abbé Alexis Kagame – devenu Monseigneur Alexis Kagame – y décrit comment la dynastie des Banyiginya a conquis le Rwanda. Ce livre contient cinq grandes parties :
1°- Le Rwanda ancien. 2°- Les clans de l’ancien Rwanda. 3°- La conquête des premiers tutsi
4°- La conquête des Banyiginya. 5°- La généalogie des Rois.
Notre but n’étant pas de parler de ce livre, nous arrêtons là cette présentation.

Les leçons du mythe :

D’après l’auteur lui-même, «…c’est ce mythe des tutsi qui veut dire qu’ils ne se sont pas mêlés aux autres qui ne sont pas eux ». "…Ni umugani wo mu Batutsi, ushaka kuvuga ko bativanze na rubanda rutali bo’’[xiv].



Et plus loin : « ce mythe a été créé pour expliquer pourquoi les hommes sont supérieurs aux autres du point de vue ethnique » ‘’uwo ni umugani wahimbiwe gusobanura impamvu yatumye abantu basumbana mu moko !’’[xv]



Point n’est besoin de trop de commentaires : Ce sont les tutsi eux-mêmes qui ont inventé ce mythe. Ils voulaient montrer qu’ils sont supérieurs aux hutu et aux twa et qu’ils ne se sont pas mêlés à eux.



Pour montrer cette supériorité de la race, les Tutsi ont recourru à un mythe complémentaire – tellement ils étaient enchanté par cette supérioité – que l’abbé Alexis Kagame mentionne déjà dans l’Inganji Kalinga. René Lemarchand rend compte de ce mythe complémentaire en ces termes :



“According to a dynastic poem entitled “The story of Origins”, the history of Rwanda begins with the reign of Kigwa, who descended from heaven and sired three sons, Gatwa, Gahutu and Gatutsi. To choose his successor Kigwa decided to entrust each of his sons with a pot of milk to watch ever during the night. When dawn came it turned out that Gatwa had drunk the milk; Gahutu had gone to sleep and spilt his milk; only the watchful Gatutsi had stayed up through the night to keep guard over his milk. To Kigwa this was colcusive evidence that Gatutsi should be his successor and be forever free of menial tasks. Gahutu was his serf. As for Gatwa, who showed himself so utterly unreliable, his station in society was to be that of a pariah.



This myth, as Malinowski would put it, was for the Rwandese “neither a fictions story, nor an account of a dead past, it was a statement of a bigger reality still partially alive…trough its precedents, its laws, its moral”
[xvi]. As such it provided a moral justification for the maintenance of a system in which a tiny minority assumed the status of a leisure class through the exploitation of the masses.

LE MYTHE : LA SUPERIORITE DES TUTSI

Vous voyez que les Tutsi qui disent que ce sont les Belges qui ont créé le clivage entre les tutsi et les hutu mentent et pensent que nous sommes des naïfs. Puisqu’ils écrivent eux-mêmes que ce clivage existe dès le début de leur histoire, dès leurs origines et qu’ils l’ont codifié dans leur mythe, pourquoi incriminer les pauvres belges ? Est-ce que ce sont les Belges qui auraient inventé le mythe des Bimanuka ? Un peuple peut-il inventer des mythes pour un autre peuple ? Alexis Kagame dit que ce mythe a été créé par les tutsi eux-mêmes. Qui est plus intelligent que Kagame ? Qu’il s’avance et que nous le voyions !



Ce ne sont pas non plus les Hutus qui ont créé ce mythe, car ils ne peuvent pas inventer des histoires qui les discréditent, des mythes qui vantent leurs ennemis jurés (inzigo). Les hutu ne sont pas naïfs jusque là.

Le mythe de la supériorité du Tutsi sur le hutu existe depuis la préhistoire. Les Belges ne l’ont pas combattu. Ils l’ont entretenu dans un premier temps pour des raisons coloniales. Vivant des réalités monarchiques eux-mêmes, ils ne pouvaient que s’appuyer sur la monarchie pour maintenir la paix sociale au Rwanda.



Illustrons ces dits par un fait historique : Le Roi Yuhi V Musinga, n’était pas le successeur légal ou désiré de la dynastie des Banyiginya ; cela veut dire que ce n’est pas lui que Kigeli IV Rwabugili avait laissé au trône, puisqu’il est mort tragiquement. Celui qu’il a laissé fut intronisé en 1896 sous le nom de Mibambwe IV Rutalindwa mais n’a pas eu le temps de régner. Il fut victime, la même année du coup d’état de Rucuncu, au cours duquel toute la famille royale fut exterminée, en se donnant la mort, au lieu de tomber dans les mains de leurs ennemis.



Ce coup d’état fut perpétré par Kabale, un Mwega, qui voulait faire régner son neveu, lui-même aussi fils de Kigeli IV Rwabugili qu’il avait eu avec une femme Mwega, Kanzogera, la sœur de Kabale. Quand le jeune Rutalindwa arrive au pouvoir, il n’avait plus de mère. En effet sa mère avait été tuée par son père irascible parce qu’elle fut surprise en train de donner du filtre d’amour (inzaratsi) au roi, pour qu’elle devienne la seule préférée. Prenant le pouvoir, le jeune roi prit comme mère officielle selon la coutume, une des femmes de son père. Il prit Kanzogera qui était la sœur de Kabale. Mais ceux-ci étaient des Bega, tandis que la dynastie régnante depuis lors était des Banyiginya. Ce fut donc une occasion favorable à Kabale de faire une révolution de palais et de faire introniser son neveu. Ce coup d’état eut lieu en 1896[xvii].
Il s’en suivit une répression sans nom des Bega contre tous ceux qui étaient du camp du jeune roi qui venait de perdre son trône. Ces excès des Bega révoltèrent les Banyarwanda. Les nouveaux chefs installés par le parti vainqueur à la place des Banyiginya n’avaient songé qu’à réprimer, à s’enrichir du travail et des troupeaux de leurs administrés en prélevant bien au-delà de la dîme.



Un prétendant nommé Ndungutse Biregeya fit son apparition et se dit l’héritier légitime de la couronne. Il venait donc en sauveur et libérateur venger le Banyiginya.
Le Nord, composé des hutus, (Bakiga) fut gagné à sa cause et se rébellèrent contre le roi Musinga : ils refusèrent de faire les corvées et de payer l’impôt. Ils formèrent une
armée dont les hommes de Musinga eurent peur, tellement ils étaient nombreux. Ainsi « la cause de Musinga était certainement perdu, si le gouvernement de la colonie pour éviter les désordre que ne pouvait manquer d’entraîner un nouveau changement de règne, ne se fût opposé à la marche du prétendant ». Ndungutse fut tué à bout portant par les hommes du major Godovius, Résident intérimaire[xviii].



L’affaire Rukara rwa Bishingwe est aussi une intervention des colons en faveur de tutsi au détriment des hutu. La mort du Père Loupias, alias Rugigana, en est une autre illustration. Le Nord du Rwanda, soit le Bushiru et le Bugoyi étaient des principautés autonomes hutu quand les Colons débarquèrent au Rwanda. Elles n’étaient pas à ce moment-là dans le giron des rois tutsi. Des bandes armées des hutu avaient razzié les vaches des souverains tutsi. Le père Loupias se chargea de négocier pour les ramener. Il succomba sous les coups des guerriers Bakemba des Bashiru, en pleine négociation. Rukara rwa Bishingwe en assuma la responsabilité. Il parvint à s’échapper. Il fut cependant trahi par le fameux Ndungutse qui voulait s’attirer, mais en vain, la faveur des colons. Rukara fut condamné à la pendaison pour avoir tué un blanc. Mais pendant qu’on l’amenait au gibet, il tua le soldat qui le convoyait ; on dut alors le fusiller, parce qu’il devenait dangereux. Il s’ensuivit une répression terrible faite par les colons, en représailles.



Dans la suite, Yuhi V Musinga ne voulut plus collaborer avec les Blancs, il fut déposé en 1931 et l’on intronisa son fils Mutara III Rudahigwa qui sera plus docile aux Blancs. Ce dernier mourut à Bujumbura en 1959 d’une mort suspecte, car l’on pensait que les Blancs se sont débarrassés de lui pour permettre la révolution de 1959.



Voici cependant l’avis d’Alexis Kagame à propos de la déposition du roi Musinga :
« La déposition de Yuhi V Musinga, disons-le une fois pour toutes, fut un grand bien pour le Rwanda. Dès son enfance instrument inconscient de vengeance et de domination entre les mains de ses tuteurs, et surtout de se mère, il ne parvint jamais, même homme fait, à se libérer de la funeste emprise de cette dernière. Ce n’était qu’un mannequin aux ordres de cette femme autoritaire, aux instincts sanguinaires dont les déjà nombreux documents accusateurs n’en ont pas encore dit assez ! Elle ne se consola jamais d’avoir été obligé de renoncer aux massacres arbitraires dès l’arrivées des Belges dans le pays. Elle livra son fils, corps et âme, aux devins de la Cour, guides aveugles, qui lui inculquèrent de l’aversion non seulement pour le Christianisme, mais encore pour toute idée d’évolution dans le sens des principes de l’occident.



Aussi s’opposa-t-il passivement, mais avec une constance désespérante, aux directives du Gouvernement belge dont il paralysa jusqu’à un certain point, l’action civilisatrice. Se trouvant ainsi être un obstacle sérieux à l’évolution de son pays, sa présence devenait une anomalie criante. Sa déposition a été donc, aux yeux des Rwandais éclairés, non seulement le symbole, mais encore le point de départ de notre progrès social normal, sous l’autorité d’un Roi foncièrement acquis aux principes apportés chez nous par nos éducateurs civilisés
[xix]»

LA REVOLUTION DE 1959

Ce ne fut pas un révolution au sens strict du terme ; ce ne fut q’un simple renversement de la monarchie ; le but n’était pas d’écarter les tutsi du pouvoir, mais de faire participer les hutus au pouvoir, ce que les tutsi n’ont pas digéré :
« … for the first time in the history of Rwanda, a group of nine Hutu intellectuals, all the former seminarists, systematically challenged every conceivable feature of the feudal system. The heart of the matter, they said, “lies in the political monopoly of one race, the Tutsi race, which, given the present structural framework, becomes a social and economic monopoly”. After citing specific examples of political, social, and cultural injustices, they concluded : “From this to a state of “cold civil war and xenophobia, there is only one step. From all this to the Popularity of Communist ideas there is only one step”. To remedy the situation they proposed a serious of measures designed to achieve “the integral and collective promotion of the Hutu”, the abandonment of caste prejudice, the recognition of individual landed property, the creation of a rural Credit Bank (Fonds de Crédit Rural) to promote agricultural initiatives, the codification of customs, the promotion of Hutu to public office, and the extension of educational opportunities at all levels to Hutu children. Never before had such a devastating critique of the ancien régime been publicly set forth by its opponents[xx].

Mais quelle fut la réction des Tutsi au Manifeste des Bahutu ? Une réaction anachronique, qui ne tenait pas compte des changements apportés déjà par le colonisateur en faveur des grandes masses populaires exploitées :

« In the minds of the Tutsi elites, a social transformation of the scale envisaged in the Manifesto was inconceivable. By and large the felt that the demands voiced by the Hutu leadership were representative of the views of only a tiny minority of hotheads, and that most of the trouble came from errors made by the administration in the application, or misapplication, of indirect rule »[xxi].

La position Tutsi se fit de plus en plus réactionnaire :

« To the rising crescendo of Hutu attacks, the ruling oligarchy responded in 1958 by a hardening of its position on the issue of race relations. In may 1958, a group of elderly Tutsi at the Mwami’s court – the so-called “bagaragu b’ibwai bakuru, the mwami’s clients – issued a statement in which they said that the ancestor of the Banyiginya, Kigwa, came to throne by reducing the indigenous Hutu tribes to a state of servitude, and thus, “they could be no basis for brotherhood between Hutu and Tutsi”. Then, to sum up the argument : “since our king conquered the country and the Hutu and killed their petty kings, how can they claim be our brothers ?” (Cf. Rwanda politique, p. 35-36)[xxii].

Mais les Belges avait amorcé une réforme politique depuis quelques années, et l’ONU devait dire son mot étant donné la décolonisation qui était sur la scelette ; il fallait s’attendre à ce que l’administration belge joue un rôle déterminant durant cette révolution :

« … the events of November 1959 were clearly due to the failure of the monarchy to democratise its political institutions. They were the tangible expression of unresolved tensions between the forces of change introduced by the European coloniser and the forces of monarchical absolutism…
As will be seen, although the Belgian presence could presumably be relied up to prevent or at least minimise the incidence of violence, the administering authorities were led, through a series of events, to throw their full weight on the side of the insurgents, decisively altering the balance of forces between Hutu and Tutsi.
….. the Belgian authorities had intended the revolution. The only point here is that the pressure of “objective” social conditions – of increased cramp and restlessness in the countryside, of social alienation and caste antagonism, etc… -- may not have sufficed to bring about a successful revolution. The decisive factor was that the Belgian authorities reacted to these “objective” conditions in such a way as to make the success of the revolution o foregone conclusion. Once the Belgian administrators on the spot had decided that the peasant uprisings of November 1959 were a revolution (which they obviously were not), the real revolution could no longer be averted »
[xxiii].



Il y avait d’abord les idées d’indépendance qui circulaient en Afrique entière. Le Rwanda n’allait pas faire exception. Mais ceci n’explique pas tout, car la monarchie tutsi était bien établie au Rwanda.



On incrimine souvent l’Église catholique qui auraient patronné le renversement de la monarchie tutsi. Je dirais qu’on ne se trompe pas, à condition de savoir que cela s’est fait partout où l’Église catholique a pris à cœur sa pastorale intégrale. Quoi d’étonnant quand on sait que l’Église prêche le Royaume de Dieu, qui est « un règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix ».
Cela ne s’entendra pas seulement de manière spirituelle, mais aussi de manière sociale, humaine et politique. L’Église n’a pas prêcher le renversement de la monarchie. D’ailleurs en cette année-là, le clergé était majoritairement tutsi. Un des deux vicaires apostoliques était même un tutsi. Les circonstances continentales d’affranchissement politique ont joué contre cette monarchie-là.

L’Église catholique avait reçu de la Colonie, dans sa prétendue mission civilisatrice, de s’occuper des écoles pour son action pastorale. Dans un premier temps, les tutsi se sont méfié de l’instruction des blancs. Comme les blancs étaient venus prendre le pays, il ne fallait pas en plus leur offrir gratuitement les enfants tutsi, surtout ceux de la famille royale et celles des nobles.



Ce sont donc les hutus qui ont été instruits les premiers. C’est ainsi que, par exemple, les premiers prêtres rwandais n’étaient pas tutsi, mais des hutu. Ce qui signifie d’ailleurs, puisqu’on se faisait prêtre après avoir étudié dans les séminaires, petit et grand, que les premières vraies écoles étaient les séminaires. C’est là que l’enseignement de qualité était dispensé.



Qu’enseignait-on réellement dans les petits et grands séminaires : tenez, tout simplement : le français, le latin, le grec, et la philosophie, et tant d’autres matières qu’il est inutile d’énumérer. Derrière ces quatre matières, il y avait de quoi faire une révolution, même si ce n’était pas là le but. Qui dit l’étude du latin et du grec, dit contact avec les idées de liberté, de démocratie, d’art oratoire. Les discours de Cicéron, les histoires de Salluste et de Tacite, les campagnes militaires de César, les discours de Démosthène, l’Histoire d’Hérodote, L’Iliade et l’Odyssée, sont autant de leçons de philosophies politiques pratiques, que les ex-séminaristes ont emporté sur les collines et dans l’administration où ils étaient admis à travailler puisqu’en plus ils connaissaient le français qui leur permettait d’être en contact avec les blancs sans interprète pour déformer le message donné.



Ce fut la même chose au Congo belge : les premiers hommes politiques lors de l’indépendance sont ceux qui, pour la plupart, ont fait les séminaires et d’autres écoles catholiques.
Il est inutile ici de signaler que le Christ Jésus, Fils de Dieu, est un libérateur qui peut galvaniser un peuple écrasé et exploité dans son âme et dans son corps, dans sa culture. La doctrine sociale de l’Église est libératrice : elle prêche à la suite de Jésus, la liberté, l’égalité, la fraternité. Ce leitmotiv de la Révolution française n’est pas là pour déplaire à ceux qui veulent se libérer. La Révolution française était dirigée contre la monarchie. Quelle similitude qui peut déboucher dans la violence ! Il faut connaître l’histoire pour éviter de la répéter. Peut-on empêcher à théologie d’être une théologie de la libération puisqu’elle est libératrice ? Mais cette libération doit être pacifique, non violente, fidèle à Jésus Christ.



L’Église, là où elle n’est pas bâillonnée, prêche le redressement des mœurs. Qu’on ne dise pas qu’elle s’ingère dans la politique ! Elle est au service du tout petit, du faible, de l’exploité, de l’opprimé. Si vous êtes oppresseurs, vous trouverez l’Église sur votre route si elle est consciente de sa mission. Si vous défendez la veuve, l’orphelin, le faible, le petit, l’Église vous prêtera main forte.



Je voudrais lancer un défi à l’Église catholique du Rwanda. Qu’elle cherche d’abord et toujours à se libérer des hommes politiques. Qu’elle cesse de s’inféoder au pouvoir en place. Il y a une plaie qu’elle doit chercher à guérir au Rwanda : c’est le clivage entre hutu et tutsi. Si elle est incapable de la faire, l'Etat ne le fera pas, car ce n'est pas dans l'intention de l'Etat de guérir cette plaie qui est au bénéfice des hommes politiques en place.



Voilà le défi à relever en ce 21e siècle : casser le mythe ce clivage-là. Ce devra être la jauge du degré du travail pastoral. Si l’Église y parvient, elle aura réussi le reste. Si elle n’y parvient pas, elle aura échoué en tout.

LA NON INTEGRATION DES TUTSI.

Il faut constater d’abord un fait très particulier. Alors que les tutsi ont conquis les hutu depuis longtemps, l’intégration des tutsi a été très timide. Sous d’autres cieux, après autant de siècles, on ne devait plus parler des tutsi et des hutu, car ils se seraient métissés très fortement. Mais non. Ici chaque race est restée intacte. On voit quelques hutu épouser timidement des femmes tutsi, plutôt par prestige, mais un tutsi épouser une femme hutu est digne de proverbe. C’est tellement rare qu’on peut les compter sur les bouts des doigts. Un vieux a dit un jour que les tutsi disent d’un tutsi qui épouse une femme hutu que c’est une vache qui a brouté des chardons (inka yarishije amatovu).



Il faut donc constater que le tutsi ne s’intègre pas. Il veut rester lui-même partout où il arrive. Il ne se mêle pas aux autres. Le mythe l’a dit expressément dans le fait que ne voulant pas épouser une femme d’une autre race, le tutsi épouse mythiquement sa sœur. Oui ! c’est un mythe. Mais qui s’explique de nos jours. Un tutsi, pour ne pas se mélanger aux autres n’épouse pas une femme qui n’est pas tutsi.



Les femmes tutsi acceptent d’épouser des hommes non tutsi, d’abord parce que les femmes n’ont ni race, ni ethnie , ni clan (umukobga ni nyamhinga) ; elles sont prêtes à suivre n’importe quel homme. Et puis, il est connu que les tutsi donnent en mariage leurs filles pour des raisons stratégiques. Pour s’allier à quelqu’un de fort qui pourra être utile dans un avenir proche. Pour servir d’espionne, afin de connaître ce qui se fait et se dit dans tel ou tel milieu. On a constaté par exemple que tous les officiels zaïrois avaient une maîtresse tutsi pendant la guerre civile au Rwanda (90-94) et pendant la guerre que les tutsi ont mené contre le Zaïre en 1996-1997. Un exemple concret : le commandant de la D.S.P., d’heureuse mémoire, à Goma en 1994-1996, avait une maîtresse (deuxième bureau) tutsi qui le fuira en 1996 lorsque le FPR bombardera les camps des réfugiés à Goma et s’emparera ainsi de la ville de Goma : ces femmes étaient des espionnes qui transmettaient tous les secrets zaïrois à leurs frères au Rwanda.

LA POPULATION TOTALE DES TUTSI DU RWANDA

On a parlé d’un million des tutsi tués pendant la guerre civile du Rwanda de 1990 à 1994. Et pour justifier ce chiffre on ajoute quelques hutus modérés tués avec ces tutsi, comme si les hutus modérés devenaient automatiquement des tutsi.



Ce chiffre me paraît invraisemblable, car si c’était le cas, tous les tutsi qui étaient au Rwanda ont été tués. D’où sont-ils venus tous ceux qui y étaient là quand le FPR prenait le pouvoir?
Faisons un petit exercice de calcul tout en arrondissant vers le haut le nombre des tutsi pour fixer notre attention. En 1971, la population du Rwanda était de 3.300.000 habitants, dont 90 % sont des hutu, 9 % sont de tutsi et 1% est twa[xxiv]. Actuellement cette population est de 8.100.000 (chiffre de 1998).



En 1990, la population des rwandais était de sept millions d’habitants. C’est ce qui explique que le gouvernement avait paniqué et avait initié un office de la population (ONAPO) pour essayer de contrôler la démographie ; ce contrôle a échoué , car les hutu sont trop prolifiques et des solutions qui ne sont pas sérieuses ne peuvent pas leur empêcher de procréer.
Supposons que les rapports de la population soient restés comme en 1971, même si nous savons que des tutsi ont quitté encore le pays entre les années 1971 – 1975 , et que le taux de fécondité est plus élévé chez les hutu que chez les tutsi) : 90 % des hutu soit 6.300.000 ; 9 % des tutsi soit 630.000 et 1% des twa soit 70.000. Si donc la guerre civile a emporté un million des tutsi et des hutu modérés, tous les tutsi qui étaient restés au Rwanda sont morts. Ce qui n’est pas vrai, puisque le FPR a trouvé des tutsi encore au Rwanda.

LA CONVERSION DES RWANDAIS ET LE CLIVAGE HUTU - TUTSI.

Il est vrai que le colonie et l’Église ont fragilisé la monarchie tutsi au profit des hutu au Rwanda. Les tutsi ne pardonneront jamais cela et aux colons et aux missionnaires en particulier le bouc émissaire l’évêque Perraudin. Ce phénomène contraste avec ce qui s’est passé ailleurs. Les africains ont combattu le colon et le missionnaire avant d’être vaincu. Au Rwanda, il n’y a eu aucun combat de ce genre. Les tutsi n’ont opposé pratiquement aucune résistance armée aux blancs. C’est comme si les hutu avaient laissé les blancs démanteler la domination tutsi à leur grande satisfaction.



Quand nous parlerons des blancs, nous signifierons le colonial et le missionnaire, car ils sont travaillé de concert. Nous utiliserons ce vocable pour plus de facilité. Là où il y avait un colon, il y avait toujours un missionnaire, parfois le contraire n’était pas toujours vrai.
Achille MBEMBE écrit :

« L’histoire du premier siècle dit d’évangélisation des sociétés noires fut, en grande partie, une histoire de persécution des religions ancestrales, dans un contexte où les peuples que l’on cherche à ‘’convertir’’ sont ceux-là mêmes qui sont tombés sous les joug de la servitude et des humiliations. Les symboles, les images et les mythes chrétiens pénétrèrent les sociétés indigènes au moment même où les récits de la défaite prenaient forme dans les consciences collectives. Lorsqu’il ne le suscita point, le christianisme accompagna, par ses rites, ses langages et ses théologies, la mise en place des structures cognitives de cette défaite et de sa narration. Le Dieu des chrétiens fut annoncé aux Noirs dans une conjoncture où, vaincus ils s’engageaient dans des procédures de recomposition des séquences devant leur permettre de rendre intelligible ce qui venait de leur arriver »[xxv].



Les Rwandais sont du nombre de la petite partie pour laquelle ce que A. Mbembe vient de dire ne s’applique pas. Contrairement aux autres contrées africaines, la colonisation et la religion chrétienne ont été bien reçue au Rwanda, sauf par les seigneurs tutsi. Les Rwandais se sont convertis en masse de sorte que les chrétiens constituent pour le moment les 90% de la population de ce pays. On a dit que c’était une conversion de surface puisque près de cent ans après le début de l’évangélisation, ils se sont entretués comme des fauves.



Mais je pose la question : qu’est-ce que cent ans d’évangélisation ? Les blancs qui avaient une dizaine de siècles christianisme au moins, n’ont ils pas fait la guerre de cent ans ? Et la guerre 14-18, était-elle faite par des musulmans ? Il y a eu plus quatorze millions de morts ? La guerre 39-45 a emporté combien de vie humaine ? Six millions à ne compter que les juifs. Ceux qui les ont éliminé n’avaient-ils pas été évangélisés ?



Pour ce qui concerne les rwandais, il faut comprendre deux choses : leur conversion et les massacres de la guerre civile. Ces massacres n’ont rien à voir avec cette conversion qu’on veut appeler de surface. Les missionnaires qui ont évangélisé le Rwanda ont utilisé les mêmes méthodes qu’ailleurs, au Congo par exemple. Là le pays compte 50% des catholiques. Si ces congolais avaient été mis dans les mêmes conditions que les rwandais en 1990-1994, il y aurait eu des massacres de même envergure, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Parler d’une conversion de surface, c’est donner une conclusion hâtive et donc fausse qui montre le peu d’analyse des faits et qui révèle par-là la méconnaissance de l’histoire du Rwanda.



Quand les Blancs arrivent au Rwanda, comment la situation socio-politique se présente-t-elle ?
Les Blancs aident les Tutsi à soumettre les Hutus du Nord :

« As a result of belgian efforts to extend Tutsi domination to nothern Rwanda, a number of indigenous Hutu chiefs (bahinza) were summarily removed from office in the early 1920 and replaced by Tutsi appointed by the administration. Tis policy found its most systematic application in the Ndorwa, Mutara and Mulera regions in the north (roughly corresponding to Ndungutse’s sphere of influence) and in the Busozo, Bukinzi and Bushiru in the north-west. While this parachuting of Tutsi chiefs into predominantly Hutu areas was but contamination of a trend initiated under the German protectorate, it is also true that in // (P.74) many places “the Belgians helped to install the first Batutsi chiefs in the country, the bahinza lacking competence to enforce the methods advocated by the occupying authority”[xxvi]. Here as elsewhere in Rwanda the Belgian authorities were led to perpetuate and systematise the policies inaugurated by their predecessors »[xxvii].

Le roi et tous les chefs sont des grands seigneurs tutsi. Les chefs hutu que les tutsi appelleront bahinza pour le minimiser, ont été supplantés. Le roi et les seigneurs tutsi règnent sur les autres en maîtres absolus sur tous les hutu et les tutsi pauvres (qu’ils appellent hutu d’ailleurs bien qu’étant tutsi pour s’en moquer) dans un système de servage (ubuhake) qui rappelle la féodalité du Moyen Age européen. Les petits tutsi pauvres sont assimilés aux hutu tout en étant de la race des Seigneurs. Et un proverbe dit : « Agasimba k’iwanyu kakurywa kakurundarunda ». Le fauve de ta race te mange en te rassemblant ; ce qui veut dire que l’homme de ta race te fait la guerre en te ménageant.
Dans un premier temps, surtout avant la deuxième guerre mondiale, l’Église catholique se fit avocate de la suprémacie Tutsi sur les Hutus :

« For more significant historically – and infinitely more quitting in terms of the overall objectives of Belgian policies – was the concomitant attempt made by the Residency to substitute Hutu chiefs and // (p. 73) subchiefs for the Tutsi incumbents, a more apparently dictated by the resistance of the more conservative chiefs to the 1926 reform. However, the revolutionary implications of this initiative cause the greatest misgivings among Catholic missionaries, some of whom did not hesitate to voice their concern over “the vacillation of the colonial authorities with regard to the traditional hegemony of the well-born Tutsi”[xxviii].
Et encore :
In 1930, Mgr Classe issued a categorical warning to the administration against any attempt to “eliminate the Tutsi caste” :
“A revolution of that nature would lead the entire Sate directly into anarchy and to bitter anti-European Communism. For the furthering progress, it would nullify the government’s action by depriving it of auxiliaries who are, by birth, capable of understanding and following it. This is the view and the firm belief of all superiors of the Ruanda missions without exception. Generally speaking, we have no chiefs who are better qualified, more intelligent, more active, more capable of appreciating progress and more fully accepted by the people than the Tutsi…”
[xxix].

In view of the radically different attitude adopted by the Catholic church after the Second World War, this statement has a peculiar ring to it. For the time being, however, the church posed as the strongest advocate of Tutsi supremacy, largely on grounds of political expediency. That due attention was paid to Mgr Classe’s “profession of faith” was made abundantly clear by the subsequent direction of Belgian policies. Not only were the Hutu chiefs and subchiefs all dismissed from office and replaced by “well-born Tutsi”, but a positive effort was made to preserve Tutsi hegemony in every walk of life.
The preservation – indeed the strengthening – of Tutsi supremacy was achieved in three major ways, and in the following chronological order : (i) by facilitating the territorial expansion of Tutsi political hegemony ; (ii) by a rigorous control over all educational opportunities ; and (iii) by the introduction of a judicial machinery designed to perpetuate the subjection of the Hutu caste »
[xxx].

Pour mieux comprendre comment la dérive arriva pour ce qui concerne le buhake, voyons ce que A. Kagame en dit lui-même :
« Le contrat de « servage pastoral » le Buhäke) est un engagement volontaire par lequel une personne , appelée umugaragu vient se recommander à une autre personne d’un rang social plus élevé, appelée shebuja. L’acte de se recommander se dit gukeza, et les relations sociales du maître (shebuja) au serviteur (umugaragu) s’appellent ubuhake. Le serviteur s’engage, vis-àvis de son maître, à rendre tous les services coutumiers et le shebuja consacre le contrat par l’octroi de vaches ou dans certaines régions de parcelles de terre à cultiver. Les services coutumiers que le serviteur doit prester sont, de la part d’un Muhutu, tous les genres de travaux serviles ordinaires ; tandis q’un serviteur Mututsi est conseiller, messager, informateur, compagnon d’armes, en un mot l’instrument d’influence sociale et politique entre les mains de son maître. Ne dispose-t-il pas lui-même d’une ramification plus ou moins puissante d’associés constituée de se propres serviteurs, de ses parents qui ont également leur clientèle et de ses alliés de sa parentèle ? [xxxi]»

L’Église est venu libérer les rwandais de ce joug. C’est pour cela que le christianisme subira un autre sort au Rwanda, meilleur qu’ailleurs, car la situation rencontrée était autre. Ici comme ailleurs, l’Eglise a collaboré avec les colons. Ils sont venu ici mettre un terme au servage du peuple.



Après la deuxième guerre mondiale, les données sont renversées, l’Église Catholique se fait alors avocate de la cause des Hutus ; en voici l’explication :

“The insurgents could count on the overwhelming support of the European Catholic clergy and the European administration. Not Only did the Catholic Church make it possible for the Christianised Hutu elites to gain a new perception of themselves as human beings, causing them to develop a strong sense of disaffection towards their rulers, but it also provided them with the psychological stimulus and indeed the political weaponry to bring realty in line with their aspirations.
The attitude of the European clergy underwent a major reorientation in the mid-‘fifties, partly as a result of impending changes in the policies of administration, and also because these changes tended to coincide with the arrival in Rwanda of a new category of missionaries. Unlike their predecessors, these newcomers were relatively humble social origins and hence generally predisposed to identify with the plight of the Hutu masses. They belonged to what is known in Belgium as ‘le petit clergé’ (minor clergy), and in many cases their previous experience of social and political conditions in the French-speaking provinces of Wallonia enhanced their solicitude for the ‘underdog’. Their emotional and psychological involvement in the affairs of Rwanda betrayed a sense of democratic commitment typical of the left-wing Christians (Chrétiens de gauche), a tendency associated in Belgium with the ‘progressive’ wing of the Parti Social Chrétien (PSC). But perhaps the really determining factor was the arrival in Kabgayi, in 1955, of Mgr Perraudin, a Swiss citizen, who, shortly thereafter, became Apostolic Vicar for Rwanda. Whether because of his national origins, or because of his own personal predispositions, Perraudin’s democratic convictions found expression in what can only be described as a flagrant parti pris for the Hutu. To this day the name of Perraudin evokes diametrically opposed, though equally emotional, reactions from Hutu and Tutsi, being viewed by the former as nothing short of saviour, and by the latter as a hateful sycophant, guilty of spreading racial hatred and violence among the people of Rwanda”
[xxxii].

L’exploitation du colonisateur était moindre par rapport à l’exploitation du hutu par le tutsi. Si ces indigènes ont accepté facilement le christianisme, c’est parce qu’ils y voyaient une possibilité d’échapper à l’arbitraire de leurs seigneurs dynastiques. Les hutu ne souffriront pas des Blancs comme ils ont souffert des grands seigneurs tutsi. Celui qui restait dans le giron du missionnaire échappait au roi et à ses délegués, les chefs sur les collines. Voilà ce qui explique en parti la grande adhésion du peuple au christianisme. C’est un christianisme protecteur qui défend les droits des hommes. Les tutsi de la haute sphère sont venus au christianisme tard. Le roi Rudahigwa se fera baptiser seulement en 1948 et dédiera son royaume au Christ-Roi.



Les hutu en avaient assez de l’administration des tutsi. D’abord, la vie d’un homme comptait pour peu de chose au regard du roi et des grands seigneurs. Ils ont le droit de vie et de mort sur leurs serfs. « Il n’a fallu rien de moins que l’influence et la surveillance européenne pour faire cesser cet état de chose et cette façon d’agir [xxxiii]», constate le père Pages. Les hutu pliaient réellement sous le poids des travaux forcés et des corvées : shiku, uburetwa, butaka ; ce sont des termes restés dans le langage des Rwandais pour relater ces faits. Il faut y ajouter « imfukire », une sorte de dîme prélevée sur les récoltes par les lieutenants des Seigneurs et qui n’hésitaient pas , hélas, à prélever plus qu’il ne fallait pour eux-mêmes. Ce fisc pesait trop sur les hutu. L’administration du blanc va ralentir cette situation au grand soulagement de la majorité des hutu.



« La pénétration européenne a apporté dans le système fiscal indigène des changements notables dont les Bahutu n’ont eu qu’à se louer. Des nouvelles charges toutefois dues à certaines circonstances de l’arrivées des Blancs ont pris place des anciennes »[xxxiv] : ce sont les travaus forcés (ubuntesi), et la nourriture de nuit (amalali).



A ce propos l’abbé Alexis Kagame reconnaît la dérive du système féodal des tutsi au moment où les blancs arrivent dans le pays :
« Le Bühake n’avait pas jadis l’importance qu’il a conquise depuis ces trente dernières années. Son emprise exagérée qui l’a rendu odieux dans les circonstances actuelles n’a été possible qu’à cause de la disgrâce du Code militaire, qui était la sauvegarde de la justice sociale »… L’ère des guerres étant close depuis l’arrivée des Belges dans le pays, le Code militaire tomba malheureusement en désuétude et ses prescriptions sociales furent oubliées ! L’intérêt personnel eut vite fait de remplacer ce Code restrictif par la généralisation abusive du Contrat de servage pastoral. Les fonctions qui revenaient au Roi et aux chefs des armées furent usurpées et sans coup férir par ceux qui avaient intérêt à la faire. Ainsi ni les Européens, ni la jeune génération des chefs actuellement placés à la tête du pays, ne purent se rendre compte à temps des réalités sociales que recouvrait l’organisation dite des armées. Ce tour de force ne fut possible qu’à la faveur du refus de Yuhi V Musinga de collaborer avec le gouvernement belge. Depuis cette époque malheureuse allant des environs de 1924 à 1931, la cour crut faire de la haute politique en boudant les réformes entreprises par l'administration mandataire et en abandonnant aux chefs les remaniements des institutions traditionnelles, qu’ils modifièrent à leur profit. Et nous voici héritiers des abus qui résultèrent de cette carence de la Cour, à l’époque où l’administration belge n’était pas encore au courant de nos coutumes ! [xxxv]»

L’éducation scolaire et la formation à l’administration et partant à la participation politique étaient réservé aux Tutsi seuls.


1. L’éducation scolaire :



« Similarly, just as the education of the Tutsi caste became a special concern of the German Residents, on the grounds that they were the natural auxiliaries of the protectorate, by the early 1930s and until well after the Second World War, the consensus of opinion among Belgian administrators was that the Tutsi should remain the sole recipients of secular and missionary education. At an early date schools of Nyanza, Ruhengeri, Gatsibu and Cyangugu became training grounds exclusively for Tutsi (sons of chiefs as well as ‘commoners’) who later served the administration in the capacity of ‘secrétaires indigènes’ (i.e. interpreters, clerks, tax collectors, etc.). Many of these educated tutsi were later appointed chiefs and thus constituted the embryo of a new category of functionaries which the administration used as a counter weight to the apathy or resistance of the older generation. As one administrator put it : “The mass of the Rwanda chiefs and sub-chiefs has thus been infiltrated (noyautée) by valuable elements, trained by us and influenced by our methods and ideas… A sense of emulation has gradually emerged among native leaders. For those ‘notables’ whom we found incapable or unwilling to accept our ideas we were thus able to substitute some of our trainees. In this fashion the oppositional mentality which Musinga himself had tried to foster among the nobility was kept in check. Thanks to the Nyanza school, we were able to create an elite of intelligent chiefs, and, especially in the last years, to record genuine progress throughout the country” [xxxvi].
But only in 1929, with the creation of the Ecole des Frères de la Charité (better known as the Groupe Scolaire ) in Astrida (now Butare) was e special effort made to recruit students from among the sons of Tutsi chiefs and to tailor the curriculum to the functions and skills expected of a chief. In subsequent years the Groupe Scolaire became the gracegraving institution through which the Tutsi elites managed to perpetuate themselves in the seats of power, though which they gained the technical skills and training necessary for the preservation of their traditional claims to supremacy In 1925, the Nyanza Ecole pour Fils de chefs had 349 stundents, all of tutsi origin…
As a group, the Tutsi of Rwanda were relatively better educated than their counterparts in Burundi, which in turn reinforced their sense of collective superiority vis-à-vis the Hutu and gave further justification to the Belgian contention that the “Tutsi were the pick of native and (thus) should be retained in commanding positions in the native social organisation”
[xxxvii].

2. La formation à la participation politique.

« In time some of the policies adopted in the Congo provided a new pole of attraction for the testing and sorting out of native institutions. This is best illustrated by the introduction of “native tribunals” in 1936. Despite the disastrous results of earlier experiments along these lines, it was assumed that in the context of the mandate territory the native tribunals would become the most effective instrument of indirect rule. In the mind of the Belgian Resident the native court system would provide the master key to every problem of native administration. The native tribunals would act as on and the same time as “a safeguard of traditions and a brake upon their education” as “a melting pot in which past and present tendencies (would) coalesce”, as the means whereby a progressive and progresist, yet slow and smooth, assimilation // (p.76) could be achieved”[xxxviii].
In fact, these tribunals became the instruments through which the ruling Tutsi oligarchy not only retained but abused its privileges. Their function was not so much to dispense justice as to legitimise abuses and wrong-doings. Since they were in every case headed by Tutsi chiefs it is difficult to imagine how they could have served a different purpose.
Although the mwami’s tribunal was intended to serve as a court of appeal the long delays resulting from the accumulation of pending litigation often amounted to a denial of justice. Thus, with a average of only sixty cases handled each year, by 1949 the mwami’s tribunal was faced with a backlog of some 900 untried cases, a situation described as “clearly alarming”
[xxxix].

In further evidence were needed to dispel illusions about the true nature of the Rwandese court system one could cite the following statement, by a former Belgian official : “The native tribunals were the organs used by the Tutsi to give a semblance of legality to their exactions… The only way to redress these injustices was to seek the annulment of iniquitous decisions from the Parquet, but the number of applications was so great that it was impossible to examine each demand”
[xl].

In 1952, for the first time, the decision was made to introduce a glimmer of democracy in the sphere of native administration. On July 14, 1952, a decree was issued providing for the establishment of representative organs at each level of the administrative pyramid: advisory council were set up at the sub-chiefdom, chiefdom, district and territorial levels, in the form of “conseil de sous-chefferie, conseil de chefferie, conseil de territoire and conseil supérieur du pays” (CSP). But, apart from the fact that the powers devolved upon the councils remained strictly advisory, the complicated procedure of co-opting introduced by Belgian case immediate doubts on the value of the experiment. As Professor Maquet pointed out :“the system was only very moderately elective and representative… at each level there were unofficial members but they constituted only a fraction of council’s membership and were elected (i.e., co-opted) from among unofficial members of the lower councils, which meant that the choice was very restricted”
[xli].

That system was indeed “only very moderately representative”, was made patently clear by the outcome of the 1953 elections…Thus Tutsi controlled 90,6 per cent of the seats in Rwanda’s Conseil Supérieur du Pays.. Except for the sub-chiefdom councils, reflecting in each country a Hutu majority, in the last analysis the composition of the higher councils continued to show an overwhelming majority of Tutsi.

A study published in 1959 gives the following ethnic breakdown of administrative offices in Rwanda-Urundi
[xlii]:

The hopes raised by these early constitutional reforms, and the bitter disappointment caused by the subsequent realisation that these would // (p.83). were crucial elements in the background of the Rwandese revolution. The electoral process were introduced at a time when the hutu educated elites constituted a very tiny minority, and when the little fundamental change had yet occurred in the traditional social structure.
No parties in the modern sense of the word had emerged in either Rwanda or Burundi. In Maquet’s own words, “an elective system meant to give the people a share in their own government had been introduced in a culture founded on opposite premises those of inequality, of the idea of born rulers, of stratified society”
[xliii].

Pour corroborer cette appréciation, voici un extrait du compte rendu de la session du Conseil général que fit Monsieur Jean-Paul HARROY, alors Vice-gouverneur général du Rwanda-Urundi, le 3 décembre 1958 :
« La question Tutsi-Hutu constitue un problème indéniable en ce pays d’inégalité des conditions. Il y a un problème de paupérisme généralisé qui touche des masses numériquement beaucoup trop importante de la population avec, chez ces économiquement faibles, une conviction d’oppression politique, sociale et économique de la part d’un certain nombre de représentants de leurs autorité locales.
Une analyse objective de la situation permet d’admettre que l’organisation politique et administrative, au niveau des collines, est actuellement telle que des abus sont possibles. Ces abus sont-ils rares, ou fréquents ?
D’éminents autorités, africaines comme européennes, sont formelles pour affirmer que la fréquence de ces iniquités est beaucoup trop grande.
L’Église, dans une Lettre Pastorale l’an dernier, s’est émue. Par deux ‘’lettres aux sous-chefs’’ le Mwami Mwambutsa a énoncé, sur ce thème, des vérités fort sévères.
Il est un fait que le groupe social des Tutsi détient un pourcentage très élévé des postes officiels dont les tributaires peuvent se rendre coupables d’abus, et que, d’autre part, le groupe de Hutu forme l’immense majorité des masses pauvres où se situent les vicitmes de ces abus.
Faut-il, vu ce qui précède, admettre que le passé nous a legué et que l’administration belge n’est pas parvenue à éliminer une caste ‘’tutsi’’ opprimante, exploitant la masse ‘’hutu’’ sans défense ? Ou devons-nous plutôt reconnaître que l’état actuel des choses permet encore, au Rwanda-Urundi comme dans beaucoup de pays du monde, que la classe paysanne soit insuffisamment à l’abri des vexations de certains représentants locaux de l’autorité, un état de fait seulement et non une structure politique reconnue ?
L’administration belge a toujours opté pour la deuxième alternative. Elle s’est toujours efforcée de traquer les abus partout où elles les repérait, mais nullement de s’attaquer aux Tutsi comme tels »
[xliv].

Du coté religieux, il faut dire que, comme le père supérieur contribuait activement à libérer les hutus des seigneurs tutsi et les hutu préféraient alors suivre le père supérieur dans sa catéchèse. La religion traditionnelle avait tellement des tabous, ainsi celui qui devenait chrétien échappait et au tabous et aux seigneurs. L’expression « Kiliziya yakuye kirazira » (L’Église a levé les tabous) est à comprendre dans ce sens. Il faut alors comprendre que le blanc venait apporter une libération, il valait la peine de l’accueillir, car la libération est double : libération du fisc exagéré et de la féodalité, libération religieuse.


Le système politique traditionnelle fut démantelé dans les années d’indépendance. Au lieu des notables tutsi, il y aura des chefs de cellules, de bourgmestres des commune, des préfet de préfecture. L’administration monarchique laisse la place à l’administration républicaine naissante. Le roi est renversé , la république est proclamée. Libération religieuse, de tant des tabous qui n’avaient rien à faire avec la relation au transcendant. Les rwandais avait une conscience élevée du Transcendant pour lequel il rendait un culte personnel. Même si le culte des ancêtre existait, les rwandais s’en sont défait facilement. Ils se rendaient compte que le mal dont ils souffraient et pour lequel ils offraient généralement des sacrifices aux mânes des ancêtres venaient des exactions des seigneurs, des calamités naturelles visibles (famine, sécheresse, épidémies – chique, dysenterie, pian, lèpre, bronchites, tuberculose, diphtérie, paludisme, influenza, coqueluche, rougeole). Or les missionnaires blancs les guérissaient sans sacrifices expiatoires, mais avec des médicaments et d’autres organisations. Il n’y avait plus besoin de suivre les ancêtres, ceux des blancs écoutaient-ils mieux ?

La religion fragilisait le système politico-sociale tutsi qui aura le coup de grâce dès que l’administration coloniale va s’y mettre en considérant le roi comme régnant sans gouverner. Le clivage tutsi - hutu avait donc été aggravé. Et quand l’ONU (pour qui la Belgique gérait le Rwanda) organisera le référendum et les élections législatives, ce sera l’abolition de la monarchie, car les hutu, qui ont toujours été majoritaires, ont voté pour la République.

LE HUTU INCAPABLE DE DIRIGER

Quand les Blancs arrivent au Rwanda, ils ont bien vu que le Nord étaient bel et bien dirigé par les chefs Hutus et les Tutsi n’avaient pas pu mettre pied dans ce territaoire, car les hutu savaient se défendre. Que les Blancs aient trouvé que les Hutus ne savaient pas diriger leurs congénaires à l’occidental n’avait rien de surprennant. Les Tutsi eux-mêmes ne le savaient pas. La preuve en est que les blancs ont du en demettre pas mal. Mais ce qui est une malhonnèteté intellectuelle, c’est de mettre les Tutsi à l’école des fils de chefs pour leur apprendre à dirigier à l’occidental et laisser les hutu à leur triste sort et conclure après que le hutu est incapable de diriger. S’ils avaient donné la même chance à tous les deux et puis juger après, cela aurait été correct et plus loyal.

« But only in 1929, with the creation of the Ecole des Frères de la Charité (better known as the Groupe Scolaire ) in Astrida (now Butare) was e special effort made to recruit students from among the sons of Tutsi chiefs and to tailor the curriculum to the functions and skills expected of a chief. In subsequent years the Groupe Scolaire became the gracegraving institution through which the Tutsi elites managed to perpetuate themselves in the seats of power, though which they gained the technical skills and training necessary for the preservation of their traditional claims to supremacy. P. 75. In 1925, the Nyanza Ecole pour Fils de chefs had 349 stundents, all of tutsi origin…

Ce sont les tutsi eux-mêmes qui ont induit les Blancs en erreur, en se présentant à eux comme supérieurs aux autres, au hutu notamment qu’ils avaient exclus de la vie politique surtout. Imaginez-vous que même là où il y avait une forte concentration des hutu le roi les faisait gouverner par un chef tutsi, parce qu’il pensait que le hutu était incapable de commander. Mais il y avait une raison plus fondamentale, il avait peur que le chef hutu ne révolte sa population contre le roi. Il lui fallait un chef fidèle, et un tutsi faisait l’affaire puisqu’il venait souvent de la cour royale.

Les blancs se sont laissés prendre à cette fourberie et ont vu, convaincu par les tutsi, que le hutu était réellement inférieur au tutsi. Ceci avait comme conséquence pernicieuse de dire que le hutu était incapable de gouverner.

Un exemple : entre 1937 et 1954 a eu lieu l’opération M.I.B. (Migration des Indigènes Banyarwanda). Elle consistait à transférer des hutu du Rwanda au Congo Belge dans le lopin de terre, Gishari, qui fut acheté par les Belges aux chefs coutumiers hunde du Congo. Comme la Belgique était une autorité de tutelle pour le Congo et le Rwanda, elle s’est autorisé à le faire, non sans poser de problèmes ardus après.

Pour gouverner ces hutu, car il s’agissait d’un territoire autonome, les Belges, sous l’instigation des tutsi, ont choisi des chefs tutsi pour cela, alors qu’il s’agissait des hutu presque entièrement, car le hutu était incapable de diriger ses congénères. Il y a eu d’abord BIDERI, puis BUCYANAYANDI, comme chef pour gouverner les hutu de la MIB. Et qui plus est, sur les collines, ce sont bien des tutsi qui étaient des notables : NYARAMBA, GATAMBIYE, NKOROTA, RWASAMANZI, CYUBAHIRO, et tant d’autres….

““The persistence of stereotyped conceptions of inferiority among Hutu of Rwanda goes far in explaining their general reluctance to even consider the possibility of changing the status quo – in short their long-lasting political apathy. Since the Tutsi were culturally defined as highly intelligent, refined and courageous, and the Hutu as dim-witted, gross and cowardly, the corollary proposition was that the Tutsi were born to rule and the Hutu to be ruled. And because many of Hutu actually saw themselves with the eyes of the Tutsi, they had understandably little incentive to compete with their overlords. Hence the attitude of sullen resignation which long characterised the Hutu of Rwanda, and which gave currency to the stereotype that “like almost all negro peoples they have the natural desire to serve and be subjected to a strong and leading hand”[xlv].

One of the most arduosus tasks facing the Hutu intelligentsia on the eve of independence was to break this habit of passive obedience which even then continued to paralyse political initiative. What made this task so difficult was not only that it violated some basic cultural norms, but that the breaking of these norms released tremendous psychological insecurities among the Hutu peasantry. As the were suddenly asked to turn against the men and institutions which for centuries had been their sole guarantee of security, many Hutu felt hapless and bewildered. Even those who had nothing but genuine contempt and hatred for the old regime displayed an almost pathological fear of being outsmarted every turn by Tutsi, as if the latter had been endowed by nature with superior gifts of shrewdness, treachery and cunning ».

La zébrure du zèbre est un don du Bon Dieu ; mais le zèbre a-t-il une autorité quelconque sur l’antilope. Elle a aussi une peau belle en son genre. Ce n’est pas parce que le zèbre a une peau zébrée qu’il devient chef des antilopes. L’antilope a aussi une peau qu’une pluie de la saison ne peut enlever.

Il en est de même des hutu et de tutsi. Le tutsi n’est pas un chef naturel des hutu. Ce tutsi natus ad imperium est d’ordre mythique. Il ne tient qu’à l’imagination des tutsi. Les tutsi ont conquis les hutu ; c’est une erreur historique, ce n’était pas un fait naturel. La nature elle, se répète.
Actuellement il faut la « perestroika et le glasnost ». Mikhaïl Gorbatchev, c’est un monsieur ! Il faut promouvoir le droit de chacun. Chacun doit avoir son du : voilà le principe d’une bonne théorie de la justice.

Les urnes ! voilà le premier principe de la démocratie qui amène à la bonne gouvernance. L’élu du peuple doit interpeller le gouvernant. Autrement il n’y a pas de république. Si vous trouvez que les urnes sont injustes, inventez un autre moyen pour que chacun trouve son dû. Mais la force et l’intimidation ne sont plus à la mode. Elles sont révolues.

LA MEME CULTURE

J’ai entendu un blanc dire ceci un jour à la radio : « Je ne comprends pas les Rwandais. Ils ont la même culture, c’est-à-dire le même pays, la même langue, la même religion. Pourquoi se battent-ils ? » Ces assertions se retrouvent aussi chez certains hutu modérés (c’est-à-dire naïfs) et chez certains tutsi fourbes, car ce mensonge leur a rendu service.

L’acception ci-dessus de la culture est trop pauvre et par conséquent tendancieuse, car même ayant ces éléments en commun, hutu et tutsi n’ont pas la même culture. D’abord le pays n’est pas un élément qui détermine une culture. Dans un même pays, on peut avoir plusieurs cultures. Ce sont les blancs qui ont démantelé les cultures d’Afrique et ils ont créé des pays ayant plusieurs cultures. Par ailleurs, est-ce que les blancs qui ont vécu au Rwanda avaient-ils la même culture que les rwandais ? Et les Rwandais qui vivent en Europe ont-ils la culture européenne ?

Le pays.

Après tant de migrations en Afrique de l’Est, on ne peut pas dire que telle culture appartient à tel pays. Si non les Africains auront tous la même culture. Le Rwanda était au départ une forêt, tout le monde peut se l’imaginer, écrit Alexis Kagame. (Ubwa mbere na mbere, u Rwanda rwahoze ali ishyamba : ibyo ntawe utabyibwira)[xlvi]. Ce sont les Batwa, les Impunyu, qui sont arrivés les premiers au Rwanda. (Abo bavuga babanje kugera mu Rwanda, ni Abatwa, aba b’Impunyu). On dit que ce sont les Bahutu qui sont arrivés au Rwanda après les Batwa et ce sont eux qui ont défriché la forêt. (Abahutu ni bo bavuga badutse mu Rwanda hanyuma y’abatwa, aba ali bo bakonda ishyamba)[xlvii]. Puisqu’il ne reste que les Tutsi, ce sont eux qui sont arrivés après les autres. D’où venaient-ils ?

« Les Batutsi, quand ils sont arrivés au Rwanda, ressemblaient à leurs frères du Nord. Les us et coutumes des Abagalla de l’Abyssinie, des Massai du Kenya, des Bahima de Ndorwa et de Nkole, tout cela me montre comment vivaient les Batutsi : ils sont venus ici en transhumance avec leurs vaches ; le fait de s’attacher à la terre, ils l’ont appris des Bahutu qu’ils ont trouvés sur place »[xlviii].

Les hutu et les tutsi ont des origines différentes, ils ne peuvent pas avoir la même culture, parce qu’ils occupent le même pays pour le moment. Le mythe nous a montré qu’il n’y avait pas de la part des tutsi de volonté d’intégrer la culture des autres. Ils l’ont fait, mais pas suffisamment pour que leurs cultures soit une.

La langue.

Les Tutsi sont des Nilotiques, comme les Abagalla, les Massaï, les Bahima, différents des bantu, de soudanais, … Or au Rwanda, ils parlent une langue bantu. Comment un Nilotique peut-il parler une langue bantu ; il n’y a qu’une explication : le vainqueur a du adopter la langue du vaincu, ici à cause de nombre de ce dernier. Le tutsi a dont appris la langue des hutu, qu’on appelle improprement le kinyarwanda ; en effet dans la zone bantu, la langue est nommé à partie du nom de l’ethnie. Ainsi, le muyombe parlera kiyombe, le mutetela parlera kitetela, le muyaka parlera le kiyaka, le muhunde parlera le kihunde, le mushi parlera le mashi, le mulega parlera le kilega, le munande parlera le kinande, le musonge parlera le kisonge (le Congo est riche en peuple et en langues !), il n’y a que le muhutu qui parle le kinyawarwanda. Pourquoi lui, ne parlerait-il pas le kihutu, à la manière des autres bantu. Comme le tutsi a perdu sa langue, il ne pouvait pas dire, par orgueil, qu’il parlait le kihutu, qu’il a du adopter et adapter malgré lui, alors il a rebaptisé d’autorité cette langue le kinyarwanda. Le tutsi enrichira cette langue par un vocabulaire le concernant d’abord, à cause de la vache notamment et tout ce qui a trait à la vache. Quant au terme mwami, il n’est pas d’invention tutsi, car c’est un vocable bantu de l’Afrique des Grands Lacs (cf. les rega, les bashi, le bahunde, les bahavu, les nande,…).

Il n’y a rien d’étonnant dans ce phénomène, il y a dans l’histoire un grand vainqueur qui a du apprendre malgré lui la langue du vaincu. C’est le romain. Les romains ont du apprendre le grec et le parler effectivement. César succombant aux couteaux des conjurés dit à l’un d’eux, Brutus, son fils adoptif en grec : και συ τεκνον (tu quoque, fili mi). Les romains vont d’ailleurs copier la culture grecque sans vergogne.

Donc il ne suffit pas de parler la même langue pour qu’on ait la même culture. Je ne vois pas un hutu s’appeler Kayitare, Kayiranga, Kayitaba, Kayitesi, Kayirebga, Iliza, Kantarama, Murebgaire, Kageyo… sinon par imitation, ou par dédicace. Le Président Chirac a trouvé à Mayotte un petit Jacques Chirac de 6 ans, lors de son dernier voyage dans cette île africaine française. Il y était passé il y avait six ans quand le petit naissait et on lui a donné le nom de l’illustre hôte..

Prenons un cas simple : comment justifier qu’un hutu puissent s’appeler Muzinge. D’où vient ce nom ? Sa provenance nous montrera qu’un hutu peut avoir un ancêtre tusti ou par l’effet de voisinage, un hutu peut donner un nom tutsi à son enfant. Ce nom se rapporte aux poèmes dédiés à la plus belle vache (indatwa) des troupeaux (inyambo) de la cour royal. Alexis Kagame nous informe que :

a) « A l’églogue primitive jadis consacrée à la vache devenue « indatwa », le compositeur ajoutera d’autres chants, dits imivugo (déclamations). Dans ce cas, l’églogue primitive cesse de se nommer « incutso » (sevrage) et devient « impamagazo » (signe d’appel ».
c) Le poème ainsi prolongé s’appelle « umuzinge » (pli ou torsade)
[xlix]».


Les caractères physiques

Nos deux ethnies en question n’ont pas les mêmes caractères physiques. Nous nous sommes étonnés déjà de la non-intégration des tutsi et nous avons expliqué cela par la volonté de garder leur race pure. Le mythe dont nous avons parlé les y a aidé. Et nous avons dit aussi que les blancs ne sont pas à la base de ce clivage ; ils l’ont trouvé et ils en ont usé pour leurs fins coloniales.

Il y a en a qui disent qu’il est difficile de distinguer un hutu d’un tutsi. Et de fait avant que les tutsi ne portent la guerre au Congo jusqu’à l’Atlantique, le gros des congolais ne les distinguaient pas, surtout que jusque là on les appelait tous des rwandais. Mais les blancs qui sont arrivés au Rwanda à la fin du 19e siècle ne les ont pas confondus. Voici comment le Père Pages dresse le portrait des uns et des autres :

« Les Batutsi ont des membres bien proportionnés, les traits réguliers, le nez droit, les lèvres fines et présentent des ressemblances avec les pharaons d’Egypte. Comme les Ethiopiens, les Batutsi sont caractérisés par leur teint brun avec un reflet rougeâtre, au moins chez certains types, et par leur visage allongé un peu ovale. Généralement, ils sont d’un abord facile et en imposent aux autres par leur allure noble, un peu hautaine, mais correcte. Alors que la taille moyenne des Batutsi est estimé à 1m 79, celle des Bahutu s’élève à 1m 67. Ceux-ci sont plus trapus et plus courts, et leurs traits sont moins réguliers. Leur force musculaire est supérieure à celle de leur maîtres, sans doute à cause des travaux pénibles auxquels ils se livrent. Les Bahutus sont en général moins séduisants, moins polis et plus timides que le Batutsi. Dans la colère, ils ne savent pas se dominer autant que ces derniers, mais, par contre, ils sont plus simples et de mœurs plus sévères »[l].

Voici d’autres témoignages :

“In both kingdoms the invading tribes were Tutsi or Hima pastoralists. Although their origins are not firmly established, their physical features suggest obvious ethnic affinities with the Galla tribes of southern Ethiopia. Commenting on their proverbial tallness and graceful stature, Mecklenburg observed : “There possess that same graceful indolence in gait which is peculiar to Oriental peoples, and their bronze-brown skin reminds me of the inhabitants of the more hilly parts of northern Africa. Unmistakable evidences of a foreign strain are betrayed in their high foreheads, the curve of their nostrils, and the fine, oval shape of their faces” [li].

Dr Richard Kandt, the first German Resident in Rwanda, was equally impressed by “their gigantic stature, the sublimity of their speech, the tasteful and unobtrusive way of their dress, their noble traits and their quiet, penetrating, often even witty and irritating eyes”. As they drifted southward into the plateau area they came in contact with the indigenous Hutu peasant populations. Generally short and stocky, the Hutu share the physical characteristics of other Bantu tribes of Central Africa. “They are medium-sized type of people, wrote Mecklenburg, whose ungainly figures betoken hand toil, and who patiently bow themselves in abject bondage to the later arrived yet ruling race, the Tutsi”[lii].

Il y en a qui disent que les termes tutsi et hutu ne désignent pas des races différentes, mais des rangs sociaux différents. Un riche qui a beaucoup de vaches, on l’appelle tutsi ; et celui qui n’a rien, on l’appelle hutu. Ce sont des tutsi fourbes qui disent cela et des hutu naïfs et ignorant qui le croient. Car comment peut-on soutenir un histoire de ce genre alors que les rwandais savent dire qui est tutsi et qui est hutu. Quand les émeutes éclatent, les uns et les autres se trompent pas de cible, je vous le guarantis, et ce n’est pas nécessairement le riche qui est appelé tutsi, ni nécessairement le pauvre qui est appelé hutu. Il y a des erreurs, car les caractères physiques subissent des mutations que la conception culturelle ne sait pas suivre à temps, mais un tutsi reste un tutsi et un hutu reste un hutu, car ils sont différents. Prétendre qu’ils n’ont pas de différence c’est vouloir la bagarre, car ils craignent toujours que les autres n’en profitent pour faire de l’espionnage.

Voici même une description des comprotements et des attitudes:

The writings of early European visitor show a remarkable consensus about the individual deportment of Hutu and Tutsi as well as about their attitudes towards each other. They all seem to have been very forcefully impressed by the extreme reserve of the Tutsi, which seemed so strange when compared with the spontaneous effusions of other African tribes.

  • Of the Tutsi of Rwanda, Mecklenburg wrote that “one received the impression of being in the presence of an entirely different class of men, who had nothing further in common with the ‘niggers’ than their dark complexion”[liii].
  • After his visit in Burundi, Hans Meyer commented in a // (p. 42) similar vein : “The longer one has travelled in negro countries, and the better one has got acquainted with the negro character, and the more one is impressed with the proud reserve of Tutsi. There is no restless curiosity, no noisy, partly fearful, partly good-hearted welcome, as with most other negroes. The tall fellows stand still and relaxed, leaning over their spears while watching the Europeans pass or approach, as if this unusual sight did not impress them in the least”[liv].
  • But Meyer also noted the reserve side of the picture, and in particular their laziness, opportunism and dissimulation: “The Tutsi never or only seldom says what he thinks; one has to guess it. Lying is not only customary with strangers but a permanent and deeply rooted defect”[lv].
  • He also noted that, for all their mendacity, the Tutsi never concealed the fact that they regarded as the salt of the earth : “The Tutsi consider themselves as the top of the creation from the stand point of intelligence and political genius”[lvi].
  • Summarising the Tutsi’s philosophy of life, Meyer concluded : “To be rich and powerful and to enjoy life by doing nothing is the symbol of all wisdom for the Tutsi, the ideal for which he strives with utmost shrewdness and unscrupulousness”[lvii].

By the contrast the Hutu seemed a singularly servile, boisterous and cowardly people, whose sense of dignity and amour propre had been dulled almost to extinction by centuries of bondage.

  • Of the Hutu of Burundi, Meyer wrote: “Due to four centuries of terroristic rule, they have become slaves in thinking and acting though no so slave – like in character as the Banyarwanda under their Hamitic despots”.

If this last qualifier sounds like an after-thought, subsequent observations show that this was not Meyer’s intention.
P. 43.
The persistence of stereotyped conceptions of inferiority among Hutu of Rwanda goes far in explaining their general reluctance to even consider the possibility of changing the status quo – in short their long-lasting political apathy. Since the Tutsi were culturally defined as highly intelligent, refined and courageous, and the Hutu as dim-witted, gross and cowardly, the corollary proposition was that the Tutsi were born to rule and the Hutu to be ruled. And because many of Hutu actually saw themselves with the eyes of the Tutsi, they had understandably little incentive to compete with their overlords. Hence the attitude of sullen resignation which long characterised the Hutu of Rwanda, and which gave currency to the stereotype that “like almost all negro peoples they have the natural desire to serve and be subjected to a strong and leading hand[lviii].

Cette velléité de parler de classification sociale au lieu de différentiation de race ou des caractères physiques a été utilisée à dessin pendant la guerre civile commencée en 1990. Mais nous en retrouvons déjà les traces dans le chef du roi Mutara III Rudahigwa en 1956. Monsieur A. Maus, membre du Conseil du Vice-Gouveneur général et colon au Rwanda, avait fait la proposition au sujet de la représentation des indigènes dans le futur Conseil réformé.

Il voulait qu’on réserve une sous-catégorie, composée de quatre membres autochtones et européens, pour la représentation distincte des Bahutu. C’est le Mwami lui même qui s’y opposa farouchement. Il disait qu’il n’y aurait « aucun critère pour différencier les termes mututsi et muhutu ». Et Maus écrivit une lettre le 25 avril 1956 au Vice-Gouveneur Général Jean Paul Harroy, en lui disant que c’est là une ahurissante affirmation que refute toute la structure sociale du Rwanda-Urundi. Il avait l’impression que, dans cette session, qu’au lieu d’un débat de bonne foi, se basant sur la véracité des faits, il assistait à un habile étalage de contre-vérités et à une crainte générale des membres d’égratigner même légèrement le colosse mututsi[lix].

Un ecclésiastique a osé écrire cela d’ailleurs dans un livre fortement contesté. Il fallait diviser les hutu du Nord et ceux du Sud, ainsi les tutsi en étant alliés des hutu du Sud allaient combattre facilement les hutus du Nord pour se retourner finalement contre les hutus du Sud naïfs qu’ils auront été.


C’est aussi une stratégie sordide pour pouvoir échapper à une mort politique certaine au moment où le vent de la démocratie était entrain de souffler sur les pays africains. Puisque pour acquérir le pouvoir, il faut recourir aux urnes et non aux armes, il fallait amadouer les hutu, briser le mythe de la majorité ethnique, oublier un peu le mythe de la supériorité culturelle. Si on prend comme principe un homme une voix, aucun tutsi ne passera lors des élections puisque les hutu ne voteront que les hutu. Il fallait donc inventer une théorie permettant de fondre les tutsi dans les hutu pour qu’ils aient un espoir d’être élu un jour pour les différentes institutions. Voici d’ailleurs un exemple de chantage apparu dans un écrit à cette époque (Cf. Le Dialogue, n° 169, août 1993) :


« Quand un tutsi élit un tutsi : c’est la démocratie ;
Quand un hutu élit un tutsi : c’est la démocratie ;
Quand un hutu élit un hutu : c’est de l’ethnisme ;
Quand un tutsi élit un hutu : c’est la démence ».


Il fallait donc parer contre la mort politique du tutsi et l’on inventa cette stratégie.

Mais Kagame nous donne le vrai statut politique des rwandais dans le Rwanda pré-colonial. A ce propos, il écrit ceci dans le Code des Institutions politiques du Rwanda pré-colonial :
« a) Tout Mututsi a droit à une parcelle de pâturages.
b) On appelle Mututsi en droit pastoral, quiconque possède plusieurs têtes de gros bétail, même s’il n’est pas de race hamite »
[lx].

Ce code nous renseigne sur le vrai statut du tutsi et du hutu dans l’ancien Rwanda et surtout sur la possibilité de la dérive qui débouchera après l’arrivée des Blancs. En effet elle sera une conséquence de l’exploitation éhontée du hutu par le tutsi à travers le système du « Contrat de servage pastoral ».


Ce code nous apprend que le hutu n’existait pas juridiquement. Il devait exister dans un droit agricole, mais ce dernier n’existait pas, hélas !. Le hutu qui existait ainsi, c’est-à-dire ce qui était reconnu tutsi, est celui qui acquérait des vaches et avait ainsi le droit de posséder une parcelle de pâturages ? Un hutu pouvait acquérir seulement des vaches comme récompense du roi après un exploit guerrier. Ce qui signifie qu’il y avait très peu de hutu qui avaient une existence juridique, car très peu étaient enrôlés comme chefs des armées.


Il fallait qu’ils existent tout de même, qu’ils puissent être protégé par une loi au moins. Il ne leur restait que de faire allégeance à un seigneur tutsi dans le système de ‘’Contrat de servage pastoral’’. En faisant tous les travaux serviles de leur seigneur, ils pouvaient alors compter sur la protection de son suzerain.


Ce système rendait le hutu taillable et corvéable à merci. Tant que le suzerain était riche et avait des vaches et des biens, les hutu pouvaient souffrir moins. Mais à l’arrivée des Blancs, les guerres sont terminées ; or ce sont les guerres qui approvisionnaient les seigneurs en vaches et en biens pris comme butin. N’étant plus approvisionnés, ce sont les hutus qui payeront puisqu’il fallait qu’ils travaillent pour que le suzerain garde son standing malgré l’absence de guerre.


Ce code nous prouve qu’être hutu et tutsi n’est pas occuper un rang social. Tutsi et hutu sont bel et bien des races différentes, qui en sont venu à cohabiter suite à une invasion conquérante des tutsi du pays des hutu. Les tutsi ont trouvé les hutu sur le terrain entrain de défricher les forêts et ils les ont soumis, d’abord suite aux victoires militaires et ensuite par la vache. Les tutsi sont parvenus à faire correspondre la possession des vaches à la richesse, au pouvoir et au savoir. Un hutu pouvait être reconnu comme tutsi ; mais un tutsi qui se mettait sous la protection d’un suzerain dans le Contrat de servage pastoral gardait son statut de tutsi et d’ailleurs, comme Kagame nous l’a dit plus haut, il était favorisé par rapport au hutu car il était exempté des travaux serviles. Donc le serviteur tutsi ne devenait pas pour autant un hutu.


S’ils étaient de la même race, A. Kagame qui est antérieur à toutes les élucubrations, n’aurait pas fait la distinction entre la race hamite en l’opposant à une autre. Et puis nous savons que le hutu n’a pas de vaches donc il ne peut pas réclamer un fief de pâturages. Même s’il en a, elles lui ont été offertes par le roi pour sa bravoure, mais il ne devient pas hamite pour autant. Juridiquement il peut l’être, peut être, comme Saint Paul, qui était juif et avait la citoyenneté romaine, il ne pouvait pas cependant nier d’être juif avec les juifs. Le zèbre ne peut pas devenir un cheval.


Ayant donc une provenance diverse, Tutsi et Hutu ne peuvent avoir la même culture. Il y a un d’entre eux qui a une culture d’emprunt. Ceci va se confirmer par la diversité des activités économiques, et plus spécifiquement la production des biens.

Activités économiques

Cela a été dit : les hutu ont défriché la forêt ; c’était pour l’agriculture. C’est là l’activité principale des hutu. Un hutu est un laboureur. Sa machette sert à débroussailler, sa hache à coupe les arbres, sa houe à retourner la terre où il plante toute sorte de chose : haricots, petit pois, patates douces, pomme de terre, colocase, sorgho, bananier, courge, aubergine,… Il élève le petit bétail, essentiellement la chèvre, la poule, quelque fois le mouton (qu’il ne mange pas puisqu’il est réservé exclusivement aux twa) ; s’il est devenu éleveur des vaches, il a appris des tutsi, mais ce n’est pas son activité qui l’identifie.

Le tutsi, par contre, il est éleveur de vaches. Il vivait de lait et du sang des vaches. La vache est son occupation principale. Le tutsi qui cultive est devenu est pauvre. Il a du l’apprendre des hutu pour vivre. Il va sans dire que quand les pâturages deviennent étroits et que le tutsi doit paître des vaches à proximité des champs des hutu, les vaches peuvent faire irruption dans ces champs où les vaches peuvent y être conduites exprès et c’est la bagarre. Il n’est pas rare que cette bagarre réveille l’animosité d’antan et, au lieu d’une bagarre, c’est une bataille rangée qui s’engage.

Génocide ou guerre civile.

L’instance internationale est allée vite en besogne en déclarant que les massacres faits au Rwanda relevaient du génocide. Combien et comment faut-il tuer pour qu’il y ait génocide? Puisque sous d’autres cieux, nous avons des cas pires que ceux du Rwanda, et cette instance se tait.

Tout commence avec la guerre civile en 1990 et cette guerre continue sous d’autres cieux, au Congo-Kinshasa naturellement, ce sont les mêmes envahisseurs qui sont sur cette scène. Des instances internationales viennent de dénombrer presque trois millions de congolais tués dans cette guerre d’agression que ces mêmes protagonistes ont porté au Congo-Kinshasa depuis 1996 jusqu’en ces jours de 2001. Les tutsi disent qu’ils poursuivent des milices et des soldats genocidaires mais le résultat, ce sont trois millions de congolais tués. Or les congolais n’ont pas déclaré la guerre au Rwanda et à l’Ouganda.

Quand les hutu ont tué presque un million de tutsi et des hutu modérés, on a parlé de « génocide ». Retenons le mot « genus » et voyons à qui l’on applique ce vocabulaire. Mais quand les tutsi tuent le triple de ce nombre et dans un autre pays qui ne leur a pas déclaré la guerre, on ne parle pas de génocide. Pourquoi dénier aux congolais ce vocabulaire de « genus » puisqu’il est universel. Il n’y a que les tutsi qui formeraient le « genus » ? Quand les tutsi tuent les congolais, on a l ‘impression qu’ils tuent des singes, comme quand les conquistadores tuaient les nègres et les autochtones de l’Amérique du sud, ils tuaient des hommes qui n’avaient pas d’âmes.

Pourquoi cette absolution des tutsi ? Sont-ils des enfants de chœur ? Les Blancs auraient-il cru encore dans le mythe de la supériorité de la race tutsi sur les autres races ? Pourquoi cette considération prioritaire des victimes tutsi, puisque notre proche passé compte d’autres victimes. Et d’ailleurs, l’histoire nous apprend que les turcs ont massacré les Arméniens, on a jamais parlé de génocide. Les occidentaux ont exterminé les autochtones d’Amérique du Nord, et on a jamais parlé de génocide. Les conquistadores ont fait la même chose en Amérique latine, on a jamais parlé de génocide. Les Occidentaux ont tué, vendu des Nègres et on a jamais parlé de génocide.

On a parlé de génocide, quand les nazis ont programmé l’extermination des juifs en Occident. Ils en ont massacré plus de six millions. Or les juifs n’avaient pas attaqués les nazis. Si les nazis n’avaient pas été vaincu, ils auraient massacré plus de juifs, ensuite les arabes, ensuite les nègres, puisqu’ils voulaient faire la culture de la race pure, la race indo-aryenne. Si les occidentaux n’arrêtent pas leur soutien complice aux tutsi, ceux-ci extermineront les bantu de l’Afrique centrale.

Ce cas est similaire à celui des Serbes en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Ce sont les Serbes qui ont commencé la guerre et ils ont cessé la guerre sous la pression internationale..
En comparant avec ce génocide avec celui dit du Rwanda, il y a eu une méprise. Ce sont les tutsi qui ont attaqué les hutu, car les tutsi ne pouvaient arriver au pouvoir autrement que par les armes. Entre 1990, ils ont fait beaucoup de morts au Nord et les rescapés de ces massacres étaient déplacés dans la pays entier. Et quand les tutsi ont tué le prétendu programmeur du génocide des tutsi, c’est à ce moment-là que le massacre des tutsi a commencé. S’il fallait attendre que le programmeur meurt pour que le plan puisse être mis en pratique, c’est qu’il n’y avait pas de plan. Ce n’est pas à la mort de Hitler que l’extermination des juifs a commencé. Ici, ce ne sont pas ceux qui sont présumés avoir programmé le génocide qui ont attaqué les premiers.

Comment se fait-il d’ailleurs que les Occidentaux qui ont su qu’il y avait un plan de massacre des tutsi et se sont tus ? Je me pose maintenant (en 2001) la question suivante : comment se fait-il que les Occidentaux qui savent que les tutsi ont tué déjà trois millions de congolais se taisent, laissant les congolais être massacrés par les tutsi et laissant ces derniers piller les richesses du Congo ? Les tutsi les pillent pour les occidentaux et ils ne veulent pas abandonner une marmite pleine de viande. Les Occidentaux auraient-ils encore mordu dans le mythe de la supériorité des tutsi sur les autres races ?

Je suis d’avis qu’en 1994, ce ne sont pas les tutsi qui devaient mourir, mais les hutus : voilà pourquoi les occidentaux n’ont rien dit. Ils ne croyaient pas aux rapports qu’on leur envoyaient. Le massacre des hutu était camouflé, mais les concernés le savaient et ils ont surpris les occidentaux et les tutsi eux-mêmes.

Ceci explique d’ailleurs pourquoi les tutsi ont massacré tranquillement et impunément les hutu réfugiés dans les forêts congolaises, en représailles. On a nié cela, mais on ne cesse de faire taire les témoins, d’autres subissent des menaces de mort. J’ai entendu un ecclésiastique branché sur les tutsi dire ceci : on dit les tutsi tuent les réfugiés hutu pour masquer le génocide que ces derniers ont perpétré en 1994 contre les tutsi.

Pourquoi avoir institué un T.P.I. pour les criminels d’une seule catégorie. Il y a des criminels qui sont supérieurs à d’autres ? Le mythe qui expliquerait cet état des choses n’a pas encore été inventé. A moins qu’on ne transpose le mythe qui nous a occupé plus haut.

La Fontaine avait raison de dire : « La raison du plus fort est la meilleure ». Et Seydou Kone (Alpha Blondy) de paraphraser : « la démocratie du plus fort est toujours la meilleure ».Une démocratie sans partis, comme celle de Museveni, c’est ce qu’il faut à l’Afrique, dixit Oncle Sam. Pour plus de justice, cherchons tous criminels du guerre des pays des Grands Lacs africains et jugeons-les. Si on continue à cultiver l’impunité dans notre sous-région, il n’y aura jamais de développement de l’Afrique.

Voilà le fond malsain sur lequel les présidents africains viennent de transformer l’O.U.A. en U.A. Ils voulaient créer une Union Africaine à l’instar de l’Union Européenne. A quoi bon singer les Occidentaux quand on sait qu’on a pas les mêmes conditions ? Je me rappelle que c’est quand Museveni était président en exercice de l’OUA que ses troupes ont envahi les Rwanda à coté du FPR. Alors qu’il devait respecter l’intangibilité des frontières. Si l’OUA n’a pas réussi parce que les chefs d’état africains s’en moquaient, quel sera le sort de l’U.A. Le O qu’on a enlevé est en train de dire Oh là là !

L’OUA crève quand il y a la guerre entre les pays africains, l’UA naît avec les guerres. Où arrivera-t-elle ? Le singe n’ a fait que la grimace !


Igor WABO MIHIGO
Buenos Aires, 2001.





Tuer un homme en lui longeant une balle dans le cœur, ou en lui décapitant la tête par la lame tranchante d’une machette, ou l’empêcher de vivre dignement en lui interdisant tout épanouissement ou l’exclure de la communauté sous prétexte ethnique, confessionnel ou racial sont tous de même nature. Faudra-t-il toujours rappeler et même insister qu’avant tous droits, le plus urgent à instaurer c’est le droit à la vie, c’est-à-dire le droit à la nourriture saine et suffisante, le droit au travail raisonnablement rémunéré, le droit à une assistance médicale compétente, bref à une justice sociale qui assure la dignité et qui garantit l’égalité. Nous croyons qu’en appliquant rigoureusement, surtout en Afrique, les principes de ce droit le plus élémentaire, on pourrait éviter les conséquences désastreuses de tant d’autres problèmes. On ne change pas l’homme, il se change lui-même. Pour l’encourager à se changer il faut indubitablement changer sa vie. Ainsi on évite beaucoup de conflits et on met fin à des nombreuses guerres.

Il est vrai que le continent africain est en pleine effervescence politique, sociale, culturelle et surtout économique, mais malheureusement la guerre bat tous ses tambours presque partout : du Nord saharien au Sud natalien de l’Est somalien à l’Ouest casamançais. Quand au centre, n’en parlons pas. Comme celui de la Terre c’est un foyer ardent de confits sournois et un âtre embrasé de guerres stupides et d’agressions absurdes. On ne s’aventure dans les tourmentes d’une guerre que suite aux impulsions des grandes passions : la foi, l’amour, la haine, le pouvoir, l’argent, la dignité.

La foi, l’amour et la dignité déclenchent souvent une guerre défensive, une guerre légitime, une guerre qui se termine, grâce généralement à un coup de chance, par une solution nette et claire.
La haine, le pouvoir et l’argent sont à la base de toute guerre agressive, aveugle et aberrante. Elle n’aboutira jamais qu’à un compromis éphémère qui ne fait que plonger les peuples dans un circuit infernal de violence et de vengeance.

L’Afrique est malade de ses frontières où le virus « ethnie » sévit sur les lignes de démarcation politiques et contamine les lignes internes. Les peuples n’ont pas de frontières visibles. Les frontières qui les séparent et les distinguent même à l’intérieur d’un même pays sont des frontières culturelles. A l’intérieur de celles-ci, les peuples sont irréductibles. Ils deviennent intraitables en sachant qu’ils sont bel et bien assis sur un volcan qui peut se réveiller à tout moment, car quand on parvient au pouvoir par la violence, quel autre moyen se s’y maintenir qu’en régnant par la terreur ? On peut régner par la terreur quelques jours mais jamais pour toujours.

Les écrits des premiers visiteurs européens montrent un consensus remarquable tant au sujet du comportement individuel des Hutu et des Tutsi que de leurs attitudes vis-à-vis les uns des autres. Ils semblent tous avoir été impressionnés par l’extême reserve des tutsi qui semblaient trop étranges quand ils sont comparé avec l’expression spontanée des autres tribus africaines.
Mecklenburg écrivait à propos des Tutsi que l’on avait l’impression d’être en présence d’une autre classe d’hommes entièrement différente qui n’avait absolument rien de commun avec les ‘nègres’ que leur teint sombre (dark).

Après sa visite au Burundi, Hans Meyer commentait avec la même veine : ‘Le plus grand qui ait vecu dans les pays nègres, le meilleur qui soit connu avec des traits physiques nègres. On est plus impressionné par la discretion hautaine des Tutsi. Il n’a pas autant de curiosité éveillée, d’accueil brouillant, mi-timide, mi-chaleureux, comme la plupart des nègres. Les grands messieurs restent calmes et détendus, s’appuyant sur leurs lances quand ils observent les Européens passer ou s’apporcher, comme si ce fait insolite ne les impressionnait pas pour le moins ».

Mais Meyer a noté aussi le revers de cette description, et en particulier leur paresse, leur opportunisme et la dissimulation : ‘Les Tutsi disent rarement, pour ne pas dire jamais ce qu’ils pensent ; on doit le déviner. Le mensonge est non seulement un défaut habituel avec les étrangers, mais aussi un défaut permanent et profondément enraciné’.
Il a noté encore que sur tout ce mensonge, les Tutsi n’ont jamais caché le fait qu’ils se considèrent comme le sel de la terre. ‘Les Tutsi se considèrent eux-mêmes comme le sommet de la création au point de vue de l’intelligence et du génie politique’.
En résumant la philosophie de la vie des Tutsi, Meyer conclut : ‘Etre riche et puissant et jouir de la vie en ne faisant rien, c’est le symbole de toute sagesse pour les Tutsi, l’idéal pour lequel il lutte avec une extrême sagacité et sans scrupules’. Par contre, les Hutus semblaient un peuple servile, tumultueux et poltron, dont le sens de la dignité et de l'amour propre ont été émoussé presque à l’exctinction par des siècles d’esclavage.

R.B. p. 43. "La persistence des conceptions stéréotypées de l’infriorité des Hutu du Rwanda explique la répugnance générale à considérer éventuellement une possibilité de changer le statu quo, en bref leur permanente apathie politique. Depuis que les Tutsi étaient considérés culturellement comme très intelligents, distingués et courageux, et les Hutus comme stupides, grossiers et poltrons, ceci amenait à dire par voie de conséquence que les Tutsi étaient nés pour gouverner (nati ad imperium) et les Hutu pour être gouvernés. Et parce que beaucoup de hutu se considèrent actuellementavec les yeux des Tutsi, ils sont compréhensiblement poussés à se bagarrer avec les suzerains (overlords). Dorénavant, l’attitude d’une résignation morose qui a longtemps caractérisé les Hutu du Rwanda et qui a donné libre cours au stéréotype que comme presque tous les peuples nègres, ils ont le désir naturel de servir et d’être assujetti à une main forte et d’autorité ".







[i] Padri Alegisi KAGAME, Inganji Karinga,Vol. I Kabgayi (2e édition) 1959, p. 61-65 ( Sigle : I.K.).

[ii] A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1983

[iii] TSHISUNGU, L’appréhension de la genèse du mal partant de la rationalité du mythe, dans Philosophie africaine : Rationalité et rationalités, Actes de la XIVe Semaine Philosophique de Kinshasa, Kinshasa, F.C.K., 1996, p. 204.

[iv] Cf. ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS (Sigle :E.U.) vol. 11 (1968), p. 533).
[v] Ibid.
[vi] Ibid.

[vii] Cf. A. KAGAME, La Divine Pastorale, Bruxelles, Editons du Marais, MCMLII, p. 14-15.

[viii] A.J. SMET, La philosophie Africaine, T. I, Kinshasa, P.U.Z., 1972, p.
[ix] I.K. p. 111-112.
[x] I.K. p. 21.

[xi] A. KAGAME, Les organisations socio-familiales de l’Ancien Rwanda,( Sigle : O.S.F.) Académie Royales des Sciences coloniales, Classes des Sciences morales et politiques, Bruxelles, 1954, p. 26.

[xii] Ibid. p. 11-12 ; Cf. A. KAGAME, Le code des Institutions politiques du Rwanda pré-colonial, Bruxelles, Institut Royale Colonial Belge, 1952, art. 254, p. 96.

[xiii] Ibid. p. 165.
[xiv] I.K. p. 66
[xv] I.K. p. 66.

[xvi] R.B. p. 33 : « Selon un poème dynastique intitulé ‘ Le Mythe des Origines’,l’histoire du Rwanda commence avec le règne de Kigwa qui est descendu du ciel et engendra trois enfants, Gatwa, Gahutu et Gatutsi. Pour choisir son successeur, Kigwa décida de confier à chacun de ses fils un pot de lait à surveiller durant la nuit. Au point du jour, on trouva que Gatwa avait déjà bu son lait, que Gahutu est allé dormir et avait répendu son lait ; seul Gatutsi, le vigilant, avait veillé toute la nuit et avait gardé son lait. Pour Kigwa, il était très évident que c’est Gatutsi qui devait lui succéder et être toujours exempt des travaux serviles. Gahutu devait devenir son serviteur. Pour Gatwa qui ne s’est pas montré digne de confiance, sa position dans la société était d’être un paria ».
Ce mythe, comme le note Malinowski, n’était pour les Rwandais ni une histoire fictive ni un récit d’un passé révolu ; c’était une descrption d’une réalité très importante et particulièrement encore vivante… à travers leurs traditions, leurs lois et leur morale. Comme telle, il fournissait une justification morale pour le maintien d’un système dans lequel une minorité infime s’est assuré le statut d’une classe des fainéants pour exploiter les masses. Bronislaw MALINOWSKY, Magic, Science and Religion and Others Essays, Doubleday, New-York, n.d., p. 146.

[xvii] Cf. R. P. PAGES, Un royaume hamite au centre de l’Afrique, (Sigle : R.H.C.A.)Institut Royal Colonial Belge, Bruxelles, Libr. Falk fils, 1933, p. 195-202.

[xviii] Ibid.. p. 218.
[xix] A. KAGAME, La poésie dynastique au Rwanda, Mémoire de l’Institut Royal Colonial Belge, Bruxelles, 1951, p. 48-49.

[xx] R.B. p. 149 : « Pour la première fois dans l’histoire du Rwanda, un groupe de neuf intellectuels Hutu, tous des anciens séminaristes, ont systématiquement mis en question chaque caractéristique concevable du système féodal. ‘Le fond du problème, disent-ils, réside dans le monopole politique d’une seule race, la race Tutsi, qui, étant donné le présent cadre structurel, devient un monopole social et économique’.Après avoir cité des exemples spécififiques d’injustices politiques, sociales et culturelles, ils concluaient : ‘A partir de ceci à un état de guerre civile froide et à la xénophobie, il n’y a qu’un pas. De tout ceci à la propagation des idées communistes, il n’y a qu’un pas’. Pour rémedier à la situation, ils proposaient des sérieuses mesures déstinées à achever une promotion intégrale et collective des Hutu », l’abandon des préjudices des castes, la reconnaissance d’une propriété foncière individuelle, la création du ‘Fonds de Crédit Rural’ pour promouvoir des initiatives agricoles, la codification des coutumes, la promotion des Hutu dans l’adminstration publique et l’accession aux facilités éducationnelles à tous les niveaux aux enfants Hutu. Jamais auparavant il n’y eut une telle critique dirigée contre l’ancien régime qui fut publiquement émise en face des protagonistes ».

[xxi] Ibid. p.153 : « Dans les esprits de l’élite Tutsi, une transformation sociale de l’échelle envisagée dans le ‘Manifeste’ etait inconcevable. Près et plein, ils jugèrent que ces demandes clamées par la direction des Hutu représentaient les vues d’une petite minorité insignifiante des quelques têtes brûlées, et tous ces troubles ont pour origine des erreurs faites par l’administration dans l’application ou dans la non application du gouvernement indirect ».

[xxii] Ibid. p. 154 : « A la montée croissante des attaques des Hutus, l’oligarchie régnante répondit en 1958 en durcissant ses positions sur l’issu des relations entre les races. En mai 1958, un groupe des ‘vieux’ Tutsi de la cour royale –ainsi nommé les bagaragu bakuru d’ibwami—les clients du roi, publièrent une déclaration dans laquelle ils disaient que l’ancêtre des Banyiginya, Kigwa, était arrivé au trône en réduisant les tribus indigènes des Hutu à un état d’esclavage et ainsi, il ne pouvait y avoir de base de fraternité entre les Hutu et les Tutsi. Et pour résumer l’argumentation : ‘Puisque notre roi a conquit le pays et les Hutu et a tué leurs roitelets, comment peuvent-ils se clamer nos frères ? » (Rwanda Politique, p. 35-36).

[xxiii] R.B. p. 145 :
[xxiv] Cf. J.-P. HARROY, Rwanda, dans Encyclopaedia Universalis, Paris, 1972, p. 561- 563.

[xxv] A. MBEMBE, Afriques indociles. Christianisme, Pouvoir et État en société post-coloniale, Paris, Karthala, 1988, p. 34.

[xxvi] Historique et Chronologie du Rwanda, o. c. p. 128.

[xxvii] R.B. p. 73 : « Comme résultat des efforts belges pour étendre la domination Tutsi dans le Nord du Rwanda, un nombre des chefs Hutu (bahinza) furent relevés sommairement de leurs fonctions dans les années 1920 et remplacés par des Tutsi choisis par l’administration. Cette politique trouva son aplication la plus systmatique dans les régions de Ndorwa, de Mutara et de Mulera au Nord (correspondandant approximativement à la sphère d’influence du fameux Ndungutse) et dans les régions de Busozo, Bukinzi et de Bushiru dans le Nord-Ouest. Ce parachutage des chefs Tutsi dans des aires à prédominence Hutu était cependant une continuation d’une tendance initié sous le protectorat allemand, mais il est aussi vrai que dans beaucoup d’endroits les Belges ont aidés à installer les premiers chefs Tutsi dans le pays, le Bahinza manquant de compétence pour appliquer les méthodes préconisées par l’autorité d’occupation (Historique et chronologi du Rwanda, o.c. p. 128). Ici comme ailleurs au Rwanda, les autorités belges étaient poussées à perpétuer et à systématiser les politiques initiées par leurs prédécesseurs ».

[xxviii] R.B. p. 73-74 : « Un événement important historiquement – très inquiétant en termes des objectifs globaux de la politique belge – fut la tentative concomittante faite par la Résidence de remplacer les chefs Tusti en poste par des chefs et des sous chefs Hutu, fait apparamment dicté par la resistence de certains chefs conservateurs à la Réforme de 1926. Toutefois, l’implication révolutionnaire de cette initiative occasiona des préssentiments graves parmi parmi les missionnaires Catholiques dont certains n’hésitèrent pas à exprimer leur indignation sur ‘la vacillation des autorités coloniales vis-à-vis de l’hégémonie traditionnelle des nobles (well-born) Tusti ».
Chanoine Louis DE LACGER, Le Ruanda : Aperçu historique, Kabgayi, 1939, p. 522.

[xxix] R.B. p. 73 : « En 1930 Mgr Classe publia une mise en garde catégorique à l’administration contre la tentative d’éliminer la caste Tutsi : ‘Une révolution d’une telle nature peut amener directement l’Etat entier dans une anarchie et à un communisme acerbe anti-européen. Car à partir des développement ultérieurs, elle annulerait l’action gouvernementale en se privant de ses auxiliaires qui sont, par naissance, capables de la comprendre et de la suivre. Ceci est la position et la conviction ferme de tous les supérieurs des missions du Rwanda sans aucune exception. D’une manière générale, nous n’avons pas de chefs qui sont plus qualifiés, plus intelligents, plus actifs, plus capables d’apprécier le progrès et plus acceptés complètement par le peuple que les Tutsi’ ».
DE LACGER, o. c. p. 524.

[xxx]R.B. p. 73 : « En voyant l’attitude radicalement différente que l’Église catholique adoptera après la Seconde guerre mondiale, cette situation a une consonnance relative à elle. Mais dans le temps qui suivit, l’Église se posa souvent comme avocate très déterminée de la suprématie Tutsi dans les affaires politiques. Cette attention fut portée à la profession de foi de Mgr Classe qui était adoptée très visiblement à travrs la direction ultérieure de la politique belge. Non seulement les chefs et les sous chefs Hutu furent démis de leurs fonctions et remplacés par des Tutsi nobles, mais aussi un effort positif fut fait pour préserver l’hégémonie Tutsi dans chaque pas de la vie. Cette préservation – ou mieux cette consolidation – de la suprématie Tutsi fut menée à terme dans ces trois voies majeures et dans cet ordre chronologique : (i) en facilitant l’expansion territoriale de l’hégémonie politique Tutsi, (ii) par un rigoureux contrôle de toutes les opportunités éducationnelles, et (iii) en introduisant un mécanisme judiciaire destinée à perpétuer la soumission de la caste Hutu (aucun hutu ne devait avoir raison contre un tutsi ! n. a.)

[xxxi] A. Kagame, Le code des Institutions politiques du Rwanda pré-colonial, o.c. p. 18 note n° 1.

[xxxii] R.B. p. 106 : « Les insurgés pouvaient compter sur le soutien irresistible du clegré Catholique Européen et de l’administration européenne. Non seulement l’Église catholique fit acquérir aux Hutu christianisés une nouvelle perception d’eux-mêmes comme des êtres humains, les poussant à développer un sens de desaffection envers leurs maîtres, mais aussi elle leur fouri un stimulus psychologique et sûrement une arme politique pour ramener la réalité dans la ligne de leur désir.
L’attitude du clergé européen subit une réorientation rémarquable au milieu des années 50, partiellement comme un résultat des changements imminents dans la politique de l’administration, et aussi parce que les changements coïncident avec l’arrivée au Rwanda d’une nouvelle catégorie des missionnaires. Contrairement à leurs prédécesseurs, ces nouveaux venus étaient d’origine sociale relativement humble et donc prédisposés à s’identifier avec la condition des masses Hutu. Ils appartenaient à ce qui est connu en Belgique comme ‘le petit clergé’ et dans beaucoup de cas leur espérience antérieurs das conditions sociales et politiques dans les provinces francophone de Wallonie accrut leur sollicitude pour la cause des opprimés. Leur engagement émotionnel et psychologique dans les affaires du Rwanda révélait le sens de leur de l’engagement démocratique typique des Chrétiens de gauche, une tendance associée en Belgique avec le courent progressiste du Parti Social Chrétien (PSC). Mais le facteur réellement déterminant fut l’arrivée à Kabgayi en 1955 de Mgr Peraudin, de nationalité suisse, qui, peu après, devenait Vicaire apostolique du Rwanda. Que ce soit à cause de ses origines nationales ou à cause de ses propres prédispositions, les convictins démocratiques de Perraudin trouvaient l’expression dans ce qui peut être décrit comme une flagrante prise de parti pour les Hutu. Jusqu’en ces jours, le nom de Perraudin évoque, quoique diamétralement opposé et également émontionnel, des réactions des Hutu et Tutsi, étant vu par les premiers comme un sauveur et par les derniers comme un sycophante odieux, couapble de propagation de haine raciale et de violence au sein du peuple du Rwanda ».

[xxxiii] R.H.C.A. p. 380.
[xxxiv] R.H.C.A. p. 380

[xxxv] A. KAGAME, Le code des Institutions politiques du Rwanda pré-colonial, O.C. p. 7-8.
Il reconnaît que « sous les règnes de Yuhi V Musinga et son fils Mutara III Rudahigwa, aucune armée-bovine de la structure traditionnelle ne fut créée, du fait que la présence européenne avait modifiée les conceptions antérieures concernant les armées » (A. KAGAME, L’histoire des armées-bovines dans l’Ancien Rwanda, Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, Classes des Sciences Morales et politiques, Bruxelles, Duculot, 1961, p. 116. Nous pouvons supposer que les grands seigneurs n’avaient plus de richesses données par le roi, ainsi ils étaient obligés d’exploiter le petit peuple, c’est-à-dire les hutu.

[xxxvi]R.B. p. 75 : « De même, ainsi que l’éducation des Tutsi était devenue une préoccupation spéciale des Résidants allemands sur la base qu’ils étaient des auxiliaires naturels du protectorat, ainsi depuis les débuts des années 30 et vers la fin de la deuxième guerre mondiale, l’unanimité d’opinions parmi les administrateurs belges considérait que les Tutsi pouvaient rester les seuls bénéficiaires de l’éducation de l’État et des missionnaires. Ainsi très tôt, les Ecoles de Nyanza, Ruhengeri, Gatsibu et Cyangugu étaient devenues des bases de formation exclusivement pour les Tutsi (fils de chefs comme ceux des tutsi ordinaires) qui serviraient plutard l’administration en qualité de secrétaires indigènes (i.e. interprètes, dactylographes, des collecteurs de taxes, etc.) Beaucoup de ces Tutsi ainsi formés étaient engagés comme des chefs et ils constituaient ainsi un embryon de la nouvelle catégorie de fonctionnaires que l’administration employait comme contre poids dans l’apathie ou la resistance de la vieille génération, comme un des administrateurs le déclare : ‘La masse des chefs et des sous chefs du Rwanda a été noyautée par des éléments valables, entrainées par nous et influencés par nos méthodes et nos idées… Un sens d’émulation a emergé graduellement parmi les leaders autochtones. Quant à ces notables que nous avons trouvés incapables ou ne voulant pas accepter nos idées, nous étions alors en mesure de les remplacer par certains de nos élèves . De cette façon, la mentalité d’opposition que Musinga lui-même a essayé d’entretenir dans la noblesse était tenu en échec. Grâce à l’école de Nyanza, nous étions en mesure de créer une élite de chefs intelligents, et spécialement dans les dernières années, d’enregistrer un progrès véritable dans le pays ». (Oger COUBEAU, Note au sujet des écoles du rwanda-Urundi, July 2 1933, in the Derscheib Collection).

[xxxvii] R.B. p. 75 : « Et auparavant en 1929, avec l a création de l’Ecole des Frères de la Charité (mieux connue sous le nom de Groupe Scolaire) à Astrida (à Butare actuellement), un effort spécial avait été fait pour recruter des élèvs prmi les enfants des chefs et pour faonner un programme d’études pour les fonctions et les capacités propres au chef. Dans les années ultérieures, devenait une intitution privilégiée à travers laquelle l’Elite Tutsi entreprit de se perpétuer eux-mêmes des postes de pouvoir à travers lesquels ils acquiraient de l’habiletés techniques et amenant nécessairement à la préservation de leurs révendication traditionnelles de la suprématie ».
[xxxviii] R.B. p. 75-76 : « En ces temps la politique adoptée au Congo fournissait un nouveau pôle d’attraction pour tester et trier les institutions indigènes. Ceci est bien illustré par l’introduction des ‘tribunaux indigènes’ en 1936. En dépit des résultats désastreux des expériences antérieures sur ces plans, il était supposé que dans le contexte du territoire sous mandat, les tribinaux indigènes pouvaient devenir l’instrument le plus efficace du gouvernement indirect. Dans l’esprit du Résident belge, le système d’une cour indigène pouvait fournir la clef passe-partout de tout problème de l’administration indigène. Le tribunaux indigène peuvent agir en meêm temps comme la ‘sauvegarde des traditions et un frein à leur évolution, comme un creuset (melting-pot) dans lequel les tendances passées et présentes pouvaient se fondre ‘, comme les moyens par lesquels une assimilation progressive et progressiste, jusqu’ici lente et douce, pouvait être obtenue ». (Résidence du Rwanda, Rapport annuel, Kigali, 1938).

[xxxix] R.B. p. 76 : « En fait, ces tribunaux devinrent des instruments par lesaules l’oligarchie Tutsi regante non seulement conserva mais aussi abusa des ses privilèges.Leur fonction n’était pas tant de distribuer la justice que de légitimer les abus et les infractions à la loi. Tant qu’ils étaient en tous les cas dirigés par des chefs Tutsi, il était difficile d’imaginer comment ils pouvaient servir à autre chose.Bien que le trinual du mwami était sensé servir comme une cour d’appel, les longs délais resultants de l’accumulation des litiges en instance se résumait souvent en un déni de justice. Ansi avec une moyenne de 60 cas seulement tranchés chaque ennée, en 1949 le tribunal du mwami faisait face à un arriéré de quelque neuf cents cas non tranchés, une situation décrite comme manifestement alarmante ». (Résidence du Rwanda, Rapport annuel, Kigali, 1949, p. 78).

[xl] R.B. p. 76 : « Si on avait besoin de dissiper les illusions au sujet de la vraie nature du sytème de la cour Rwandaise, on peut citer la déclaration suivante d’un précédent fonctionnaire belge : ‘Les tribunaux indigènes n’ont jaais joué un rôle modérateur parce qu’il étaient intimément liés aux autorités politiques. Dans beaucoup de cas ces tribinaux étaient des organes utilisés par les Tutsi pour donner un semblant de légélité à leurs exactions. Le seul moyen de redresser ces injustices était de frapper de nullité les décisions iniques par le Parquet, mais le nombre d’application était tellement grand qu’il était impossible d’examiner chaque demande’ ». Ibid.

[xli]R.B. p. 81 : « Pour la première fois en 1952, on décida d’introduire une lueur de démocratie dans la sphère de l’administration indigène. Le 14 juillet 1952, un décret fut promulgée qui prévoyait l’établissement des organes représentatifs à caque degré de la pyramide de l’administration : des conseils consultatifs furent mis sur pied au niveau de la sous chefferie, de la chefferie, du territoire sous la forme des conseils de sous chefferie, conseils de chefferie, conseils de district, Conseil Supérieur du Pays (C.S.P.). Mais en dehors du fait que les pouvoirs dévolus à ces conseils restèrent strictement consultatifs, la procédure compliquée de désignation introduite par les Belges jeta des doutes immédiates sur la valeur de l’expérience. Comme le professeur Maquet le note : ‘ce système était non seulement très médiocrement electif et représentatif… à chaque niveau, il y avait des membres qui n’était pas des fonctionnaires, mais ils constituaient seulement une petite portion des membres du conseil et ils étaient élus (i.e. désignés) parmi les membres non fonctionnaires des conseils immédiatement inférieurs, ce qui signifie que le choix était très réduit’ ».J.J. MAQUET, The introduction of an electoral system for councils in a caste society, in Raymond Apthorpe, ed., From Tribale Rule to Modern Government, Lusaka, 1960, p ; 61.
See also, J.J. MAQUET AND M. d’HERTEFELT, Elections en Société Féodale, ARSC, Brussels, 1959, Vol. XXI, fasc. 2. « Que ce système soit très médiocrement représentatif, c’était manifestement évident lors de l’issue des élections de 1953. Les Tutsi contrôlaient 90.6 % des sièges dans le Conseil Supérieur du Pays du rwanda. Al’exception des conseils des sous chefferies réfletant daans chaque pays une majorité Hutu, en dernière analyse, la composition des Conseils Supérieurs continua à montrer une main mise de la majorité Tutsi ».

[xlii] R.B. p. 82 : Aloys MUNYANGAJU, L’Actualité Politique du Ruanda-Urundi, Brussels, 1959, p.20.

[xliii] Ibid. p. 64 : « Les espoirs suscités par ces premières réformes constitutionnelles et la déception amère causée par les developpements ultérieurs que cela pouvait lourdement porter atteinte à la caste privilégié du pouvoir, étaient des éléments cruciaux dans le contecte de la Révolution au Rwanda. Le processus électoral était introduit à un temps où l’élite Hutu évolué constituait une minorité très insignifiante et aund un petit changement fondamental était encore nécessaire dans la structure sociale traditionnelle. Aucun parti ,au sens moderne du terme, n’avait émergé ni au Rwanda ni au Burundi. Selon les propres mots de Maquet : ‘’un système électoral signifie donner au peuple de participer à leur propre gouvernement’’.

[xliv] Rwanda politique 1958 - 1960, Documents présentés par F. NKUNDABAGENZI, Bruxelles, Centre de Recherche et d’Informations Socio-Politiques, 1961, p. 44.

[xlv] R.L. / R.B. p. 43 : « La persitence des conceptions stéréotypées de l’infériorité parmi les Hutu du Rwanda amène à expliquer la répugnance générale éventuellement une possibilité de changer le statu quo, en bref leur permanente apathie politique. Dépuis que les Tutsi étaient considérés culturellement comme très intelligents, distingués, et courageux, et les Hutu comme stupides, grossiers et poltrons, ceci amenait à dire par voie de conséquence que les Tutsi étaient né pour gouverner et les Hutu pour être gouvernés. Et parce beaucoup de hutu se jugent actuellement avec les yeux des Tutsi , ils sont compréhensiblement poussés à se bagarrer avec les suzerains (overlords). Dorénavant, l’attitude d’une résignation morose qui a longtemps caractérisé les Hutu du Rwanda et qui a donné libre cours au stéréoptype que comme presque tous les peuples nègres, ils ont un désir naturel de servir et d’être assujetti à une mains forte et d’autorité ». (Ibid. p. 16).

[xlvi] I.K.. p. 23
[xlvii] I.K. p. 26.
[xlviii] I.K. p. 22.
[xlix] A. KAGAME, Le Code des institutions politiques du Rwanda pré-colonial, O.C. art. 327, p. 115.
[l] R.H.C.A. p. 29 ; Cf. J.P.HARROY, E.U. p. 561.

[li] R.B. p. 18 : « Dans les deux royaumes, les tribus envahisseurs étaient des pasteurs Tutsi ou Hima, bien que leurs origines ne soient pas établis avec précision, leurs aspects physiques suggérant sans acun doute des affinités ethniques avec les tribus Galla du Sud de l’Ethiopie. Commentant sur leur proverbial haute taille et leur gracieuse silhouette, Mecklenburg a noté :’Ils ont la même gracieuse indolence dans la marche qui est particulière aux peuples d’Orient et leur peau brune-bronzée me rappelle celle des habitants de parties les plus montagneuses du Nord de l’Afrique. Des évidences qui ne trompent pas pour une appréciation d’un étranger se révèlent dans la longueur de leurs fronts, la courbure de leur nez, et forme fine et ovale de leurs faces ».
Cf. J.J. MAQUET, La participation de la classe paysanne au mouvement d’indépendance au Rwanda, in Cahiers d’Études Africaines, Vol. 14 (1964), p. 557.

[lii] Ibid ; p. 18-19 : « Dr Richard Kandt, le premier résident allemand au Rwanda était également impressionné par leur taille géante, la finesse de leur langage, l’élégance et la discretion de leur habillment, leurs traits nobles et leur tranquille pénétration et souvent même spirituelle et leurs yeux d’initiés…. Comme ils se sont dirigés vers le sud, vers les terres des plateaux du sud, ils ont pris contact avec les payans indigènes des populations Hutu. Ces Hutu sont générallement courts et trapus ; ils partagent les caractéristiques physiques des autres tribus Bantu de l’Afrique centrale.Ils sont un peuple d’une taille moyenne,écrivait Mecklenburg, qui ont des figures gauches accusant des travaux durs et qui ont croupi patiemment eux-mêmes dans une servitude abjecte de la part des nouveaux maîtres venus d’une race des maîtres, les Tutsi ».

[liii] MECKLENBURG, In the Heart of Africa, p. 54.
[liv] Hans MEYER, Die Burundi, Otto Spamer, Leipzig, 1916, p. 14.
[lv] Ibid. p. 14.
[lvi] Ibid. p. 15.
[lvii] Ibid. p. 15.
[lviii] Ibid. p. 16.

[lix] Cf. Rwanda politique 1958 - 1960, o.c. p. 13.
Il ajoute : « Rentré chez-moi dimanche soir, je réunis mon conseil, non d’entreprise, mais de famille : le clerc de l’Union Eurafricaine, mon chauffeur, mes boys, tous batutsi. Je leur communiquais la déclaration du Mwami. Ce fut un éclat de rire général » (Ibid. p. 13).
[lx] A. Kagame, Le code des Institutions politiques du Rwanda pré-colonial, O.C. Art. n° 254, p.96.

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